Les enerves au pays du Zen




01 février 2002

Les enerves au pays du zen 1

Les Zénérvés au Pays du Zen 1 : Apprendre a observer les semelles des chaussures

Voici la lecon numero 1 du webcours intitule 'Comment s'adapter en Asie en general et au en particulier' dispense par l'Academie des Enerves au Pays du Zen - Session 2002

Comme vous le savez sans doutes tous et toutes, nous venons d'acquerir le droit d'habiter une maison. Nous en avons paye le loyer d'avance, avons signe tous les papiers qu'on nous avait demande, y compris ceux qui etaient decores d'une multitude de vermicelles enroulees sur elle-meme, tels de vigoureux vers solitaires en train de se debattre dans un bain d'anthelmintiques. Les mauvaises langues nous diront que la maison est close et les clefs aux mains de la femme de menage, ladite femme de menage ayant decide de prendre une semaine sabbatique sans informer quiconque de son lieu de residence principal ni meme secondaire. Ne les ecoutez pas, ils affabulent. Dans une maison Lao, on enleve ses chaussures.  Selon les bons conseils de l'Oncle E (1962-?), le raseur bien connu qui parcourut les routes d'Orient pour y rencontrer l'amour (il se reconnaitra parmi vous), il faut prendre l'habitude de se chausser de chaussures qui ne ferment pas, ou peu, pour ne pas se retrouver a etre encore en train de les enlever quand l'assemblee a fini de manger son lap et s'est deja fourree au lit. L'Oncle E est de bon conseil, nous l'ecoutons toujours. Nous avons donc decide de decorer l'entree de notre future maison de claquettes de toutes tailles, permettant a nous meme et aux visiteurs de circuler alentours sans devoir lacer les caterpillars. J'ai vendu la sortie au Talat Tsao (marche du matin) a ma progeniture en lui promettant qu'elle pourrait choisir la couleur de toutes les claquettes et en particulier des siennes, qui seraient forcement roses. Nous allames donc, choisimes et revimes. Husband (j'adore l'appeler comme ca depuis qu'apres 12 ans d'amour intense et presque autant de vie commune, je lui demandais sa main pour ne pas devoir payer son billet d'avion jusqu'ici), Husband donc et l'autre moitie de ma luxuriante progeniture faisaient la sieste. Nous deballames febrilement nos achats, en particulier la paire de choses en plastique particulierement nunuches choisies par Sanam pour Leila avec une attention fraternelle. Nous en chaussames Leila (qui adore deja se chausser, c'est de famille, elle tient ca de ma moman dont la collection de godasses achetees en solde feraient palir Lady Di meme ou elle se trouve aujourd'hui). Leila voulut s'essayer a la marche avec ses nouveaux joyaux. Nous la mimes donc par terre (je fais durer le suspens, admirez mon talent) ... et entendimes: poueet. Leila nous regarda interloquee et fit un pas.

Poueet.

Puis deux pas. Poueet poueet.

Elle regarda derriere elle pour voir pourquoi son canard en plastique avait quitte le bord de la baignoire pour venir l'enquiquiner au saut du lit. Mais de canard en plastique, point. Elle se dit que ca devait etre les vapeurs du sommeil vesperal qui l'engourdissaient ainsi et fit 5 pas d'affilee.

Poueet poueet poueet poueet poueet.

En meme temps on m'entendait proferer un Merde, ce qui est un tres mauvais exemple a donner pendant que JP ricannait betement, ce qui ne vaut guere mieux. C'est la que nous perdimes la partie, car apres avoir fait quelques cercles concentriques dans la piaule pour verifier qu'elle n'avait pas reve, Leila s'arreta et nous regarda encore mais cette fois avec une expression indescriptible, melange d'emerveillement, de ravissement et de gratitude. Depuis, nous savons toujours ou elle se trouve, du moment qu'elle est en mouvement. Et elle s'amuse aussi parfois a nous jouer un petit air de sa composition, l'avantage etant que la choregraphie est comprise dans le prix du spectacle

Pour eviter de vous procurer par erreur ces savates lors de votre prochain voyage dans nos contrees exotiques, veillez a verifier le minuscule petit trou qui se trouve a l'arriere des semelles et destine a laisser passer l'air qui permet au Poueet de se deployer avec une amplitude qui, a la longue, je dois bien l'avouer, agace un peu...

Professeur Enervee
Zenologue

PS pour les collegues d'UCB. Je vous jure qu'a cote, les clap clap de VOTRE
dragon domestique font l'effet d'un vol de moucheron a la Grand Place a a minuit le soir du reveillon.


15 février 2002

Les Zénervés 2 : Dream House.


Dream house
Oyez Oyez Braves Glacons (quoique Le Soir en Ligne d'hier annoncait un maximum de 13 degres a Bruxelles, ce qui n'est pas mal pour la saison. Mais je ne sais pas combien il fait dans les Fagnes. C'est tres perturbant ca, d'allumer la radio le matin et d'entendre une madame qui parle le francais donner la temperature de Bangkok, Hanoi ou Singapour mais elle sait meme pas combien il fait dans les Fagnes ou en Haute Belgique. A mon avis le concept de Haute Belgique doit lui etre totalement etranger. Il faut dire a sa decharge que c'est un concept tres abstrait ca, la Haute Belgique ... pour concevoir ca un stage intensif au service meteo de la RTBF est obligatoire, parce qu'a part les presentateurs meteo de la RTBF, personne ne sait que c'est haut, la Belgique) Fin de la Parenthese, je reprends:
Oyez Oyez Braves Glacons ! Vous avez maitenant l'immense privilege et le grand honneur d'acceder en ligne a une serie de photographies artistiquement digitalisees qui vous permettront de visulaiser avec une acuite jamais egalee a ce jour le mode de vie des Enerves au Pays du Zen.
Pour rappel, les Enerves sont une race apparentees aux Homo Sapiens Sapiens (mais pas tout a fait tel), qui peuplent les regions de l'Europe. Leur habitat originel s'etendait des steppes d'Asie aux pourtours de la Mediterranee, mais la quete du Chocolat de qualite, du vin de Bourgogne et de la biere d'abbaye ainsi que le besoin vital d'une ecole publique, gratuite et obligatoire, d'une presse libre et d'un cinema sous-titre (et non double) les a menes a se concentrer en Europe. Ce qui a pousse les Enerves sedentaires d'Europe du Nord a se nomadiser aux alentours de la trentaine bien sonnee (pour les adultes de la horde, s'entend) n'est pas encore tres clair et fait l'objet de nombreuses etudes realisees par les Enerves nomades eux-memes, ainsi que par leurs correpondants sedentaires restes au bercail. Il semblerait que la migration ne soit le resultat ni de la soif ni de la faim, ni d'autre penurie essentielle. La source de ce mouvement serait plutot d'origine philosophique et d'autres recherches doivent encore en determiner les details (a noter que l'Enerve male a sur le sujet enormement plus d'idees que l'Enervee femelle, mais a sa decharge l'Enervee femelle passe beaucoup de temps au bureau ce qui lui laisse un peu moins le loisir de penser a la destinee de sa horde, a part en termes pecuniers).
Les photos ici presentees sont un exemple d'habitat temporaire pour une horde d'Enerves nomades. A noter que la notion du temporaire est etranger aux Enerves nomades, en particulier a l'Enerve male, qui semble vouloir s'installer la pour le reste de ses jours. Hier il est meme revenu du marche avec le projet de convaincre sa femelle d'acheter pour la veranda une paire de vases imitation Ming d'1m50 de haut, le tout pour 200 dollars, ce qui est plutot contraire a la notion de nomadisation. Il faut dire aussi que l'Enerve male passe beaucoup de son temps a faire du shopping pendant que l'Enervee femelle travaille.  Donc, cet habitat temporaire semi-permanent est au debut assez inconfortable et peu confome aux normes de vie des Enerves sedentaires auxquelles est habituee la horde ici citee en exemple et fraichement nomadisee: moustiques, salle de bains sans baignoire et sans douche mais avec juste un tuyau et un trou d'evacuation a l'autre bout de la piece, total la piece est trempee apres chaque douche et demerde toi pour aller pisser, moustiques, fenetres qui ferment peu ou mal, moustiques, chauffe-eau qui marchent mal ou pas du tout sans compter le mariage malheureux de l'eau et de l'electricite (voir Enerve sautillant blondinet des annees 60-70 qui s'electrocuta de sinistre maniere a cause de cette combinaison), moustiques, cuisine sans moustiquaire, moustiques, airco russe dans la chambre des enfants et ca fait longtemps qu'on a abandonne l'apprentissage du cyrillique sous pretexte qu'on voulait etre communistes a 16 ans, moustiques, plancher en bois aux lattes disjointes, moustiques, etc. moustiques. Neanmoins, grace au shopping intensif, activite adaptative exercee par l'Enerve male a qui pourtant on ne connaissait pas ce talent, l'habitat se meuble de coussins et autre mobilier rendant la veranda de cette maison sur pilotis un endroit unique au monde.
Il faut aussi dire qu'il y a le bruit. La nuit. Les crapauds buffles, les lezards (oui, les lezards font du bruit), les poules, les coqs, les chiens et les zebus (vous pouvez constater grace a ces photos que si les voisins de droite sont un autre couple mixte Enerve-Zen tres gentils et agreables, les voisins de droite, eux, sont des bovides a cornes pointues qui ont la malheureuse habitude de se rouler dans la boue comme les rhinoceros et les hippopotames. Les jeunes Enervees adorent les regarder a travers la barriere et l'Enerve male les accompagne meme volontiers jusque dans la riziere ou sevissent les monstres tandis que l'Enervee femelle se tient prudemment a l'ecart.
Dans notre prochaine chronique des Enerves au Pays du Zen, nous vous ferons part de nos decouvertes au sujet de la domesticite des Enerves nomades, a moins qu'un autre ordre du jour plus allechant ne se presente d'ici la.
On vous embrasse.


01 mars 2002

Les Zénervés au Pays du Zen 3: La maison des trois petits cochons



Nous vous avons laisse baver devant les photos panoramiques de la splendide maison entouree de flotte dont au sujet de laquelle la plupart d'entre-vous avez suivi les nombreuses tractations pour arracher le droit d'en jouir quotidiennement moyennant loyer, la partie de la negociation concernant la femme de menage disparue dans la nature avec les clefs n'etant pas la moins ardue.


Ainsi donc depuis trois semaines nous avons pose nos sacs a dos et nos caisses dans la maison des trois petits cochons, ou plutot dans un lieu qui serait le chainon manquant entre la maison du premier petit cochon (en paille) et celle du deuxieme petit cochon (en bois). Fermement campes sur des coussins ultra-confortables ('triangulaires' et 10 dollars piece apres marchandage, ceci pour la gouverne de l'Oncle E, on t'en ramenera) disposes dans la veranda, nous attendons le loup de l'histoire avec determination.

Le gardien de nuit aussi.

Ne vous fiez pas a son sourire accueillant et a son air gentil. Il arrive a la maison a 16.30 et son premier souci est de distribuer de la nourriture aux poissons de notre etang prive (cette activite a d'ailleurs la particularite d'alimenter l'absurde cycle de mes angoisses nocturnes car si on nourrit trop ces poissons, ils ne mangeront plus les larves de moustiques et adieu l'ecran de protection naturel, mais si on ne les nourrit pas ils vont mourrir, ce qui produit le meme resultat au niveau des anopheles). Donc apres avoir eveille en moi une bonne demi-heure de questionnement existentiel, vraissemblablement lie a mon ignorance au sujet de l'alimentation des poissons (je me rassure avec un cocktail au jus d'ananas frais et l'idee que les poissons sont trop betes pour penser a leur tour de taille, sans compter qu'ils n'ont pas de taille), donc apres avoir nourri les poissons, il se repose. Lorsqu'il s'agit d'un gardien de nuit, on ne peut pas vraiment dire qu'il dort, disons qu'il se detend en ferment les yeux un bref instant (ce que JP fait aussi tres bien). Attention, ne vous meprenez pas, c'est un excellent gardien de nuit, il porte bien son nom car une fois la nuit tombee, il se reveille. Il se coiffe alors de son magnifique passe-montagne en laine jaune canari orne d'un petit pompon tres seyant sur le sommet, il jette sur son epaule un gros baton et arpente la propriete a intervalles reguliers. Recemment d'ailleurs j'ai decouvert que ce que je prenais pour un baton est en fait une machette. Une vraie, du meme modele garanti efficace par de recents evenements au Rwanda. Quant a l'utilite du passe-montagne, c'est un sujet controverse et les theories s'affrontent: personnellement je pense qu'il desire ainsi etablir fermement sa superiorite sur d'eventuels rodeurs peut-etre armes de machette mais demunis de passe-montagne. JP pretend qu'il a froid et craint les moustiques, ce qui demontre a nouveau a quel point le fait d'avoir deux chromosomes sexuels differents rend les hommes pragmatiques. Le plus drole, ca doit etre pour les voisins (de la categorie Zebus ou humains) qui voient deambuler toutes les heures au-dessus de notre barriere un passe-montagne jaune et son pompon ...


Outre le gardien de nuit, notre nombreuse domesticite comprend un gardien de jour egalement jardinier (celui-la meme qui debarrassa l'etang de ses lotus creves et JP d'une scene de menage recurrente a propos des lotus creves de l'etang dont au sujet desquels, s'il etait un homme un vrai, il fallait imperativement qu'il fasse quelque chose) et un gardien de remplacement qui fait du zele en balayant les feuilles mortes et en les balancant dans le jardin du voisin (humain, pas zebu, et accessoirement fonctionnaire de l'etat francais employe a l'ecole Hoffet frequentee par l'ainee des enervees, ce qui ne va pas faciliter nos rapports).


En outre, nous jouissons des services quotidiens (samedi compris) de l'admirable Pi U.


Pi veut dire tante, ce qui denote son age certain (mais pas assez que pour l'appeler Grand Mere, attention la difference est subtile).


U (prenoncez Euh en raclant la fin) c'est son nom. Quand on sait que dans ce pays, les gens s'appellent asez communement Isiensingmay, Chantalavardy ou Nammanivongmixay, avoir une femme de menage qui s'appelle U est une benediction.


Grace a Pi U, la vie est merveilleuse. Pi U fait le marche chaque matin et cuisine delicieusement le midi et le soir. Econome, elle ne depense pas plus de 100.000 kips (ou 10 dollars) par semaine pour toute la famille puisqu'elle achete au prix Lao les aliments frais au marche That Luang. Sa cuisine est variee et parfumee, Lao, Thai et parfois occidentale. Il est vrai qu'elle a tendance a abuser du celeri mais c'est une question que je m'emploie a resoudre des que j'aurai trouve comment on dit celeri en Lao.


Grace a Pi U, la pile de linge propre se regenere automatiquement, la maison est nettoyee quotidiennement, le frigo est rempli et les chats sont nourris.


Pi U parle trois mots de francais (je ne peux pas en dire autant du lao) et caline les enfants, sort les poubelles, range la maison, refait les lits, s'excuse pendant 3/4 d'heure quand le poulet n'est pas assez tendre et sourit tout le temps.


Le samedi matin nous allons au marche et cuisinons ensemble, un jour c'est moi un jour c'est elle. Elle doit certainement me prendre pour une folle quand elle me voit deglacer mes oignons au vin rouge et rajouter un trait de creme fraiche pour la sauce du magret de canard (la-dessus je dois la ligoter pour l'empecher de rajouter de la coriandre fraiche par dessus au moment de servir, les cuisiniers comprendront) ou faire degorger les tranches d'aubergines avant de les cuire dans l'huile d'olives et accompagner tout ca de pommes vapeur sans meme faire une casserole de riz. Pour se venger, samedi prochain, elle m'apprend a faire le lap et le cao niao (affaire a a suivre).


Sa presence n'est genante qu'a un seul egard: elle demolit systematiquement et a une vitesse totalement deprimante le lent et laborieux travail que j'ai accompli sur JP depuis douze ans. Il n'est plus question de compter sur lui pour debarrasser une table ou laver une vaisselle, encore moins pour refaire un lit ou faire tourner une machine. En une semaine elle a reussi a defaire ce que j'avais mis tant d'annees a elaborer grace a une volonte et une tenacite qui frisent la medaille d'honneur, que meme ma maman elle n'en revenait pas de le voir passer dans le couloir avec la manne a linge... Depuis que Pi U est entree dans notre vie, le coussin-matelas du coin de la veranda prend dangereusement la forme du derriere de JP...lequel cohabite la avec une araignee a laquelle il laisse la jouissance de la rambarde pour y tisser sa toile et lui fabriquer ainsi en contrepartie une moustiquaire naturelle, du moment qu'elle ne deborde pas sur la page du bouquin qu'il est en train de lire ou dans le cocktail alcoolise qu'il est en train de siroter.


Enfin pour terminer ma chronique, je ne resiste pas a l'envie de vous raconter une anecdote a mourrir de rire et qui n'a rien a voir.


Ce matin, mon patron m'a deleguee a une reunion a laquelle il ne desirait pas aller lui-meme. Avec des Japonais. Il faut savoir que le Japon finance a peu pres la moitie du secteur sante au Laos, les autres 'donneurs' et ils sont nombreux se partageant l'autre moitie avec le gouvernement. Ca se situait dans les bureaux de la Cooperation Internationale Japonaise, soient une annexe de l'ambassade du Japon et c'etait une reunion de concertation entre differents partenaires de l'aide internationale au Laos, sur invitation officielle et prealable. Je suis arrivee en retard et me precipitant pour rejoindre la reunion, je me suis fait arreter par la receptionniste qui m'a montre un casier a chaussures, du genre de ceux qu'on trouve au rayon jeux des Quicks et des MacDonalds. Elle m'a intime l'ordre d'enlever mes chaussures et de chausser de splendides pantouffles en tissu d'un gris perle tres elegant, du genre de ces pantouffles qu'on met pour sortir de son lit, assorties a son peignoir. Je me suis ainsi retrouvee assise a la table de reunion entre le premier secretaire de l'ambassade de Suede et le representant de l'ambassade des Philippines, tous deux egalement en pantouffles. Verification faite, la cooperation allemande, le premier secretaire de l'ambassade des Etas-Unis, la deleguee de la cooperation Australienne, le representant de la Banque Mondiale, la chargee des affaires de cooperation de l'ambassade de Thailande et les representants de Singapour et de Malaisie etaient egalement en pantouffles.


Tous les lundis midis, nous avons une reunion de staff. Lundi prochain je compte proposer a l'OMS d'adopter la coutume, sauf que je me charge d'aller avec Sanam au Talat Sao choisir le stock de pantouffles ...


01 mai 2002

Mahosot & Methaphab


Mon admirable Pi U vient encore de sévir, avec l'une de ses préparations délicieusement parfumées que je serais bien en peine de nommer mais dont je me régale à m'en faire éclater la panse.
D'accord, le JP avait failli à tous ses devoirs et oublié de mettre de la bière au frais, je n'ai donc pas eu droit à cette détente tant méritée après laquelle je languissais depuis 14 heures, vu la matinée que je venais de m'appuyer. Mais je me sens déjà beaucoup mieux grâce à ce subtil mélange de coriandre, de lait de coco et de piment qu'elle avait mis dans sa sauce ( elle a momentanément abandonné l'usage du céléri, je la laisse donc à ses variations)


Je vous préviens, la chronique ici présente ne va pas être très drôle. ce serait plutôt un constat d'impuissance et si je me mets à mon clavier, c'est un peu pour évacuer ce goût bizarre que j'ai dans la bouche.

En effet, aujourd'hui, lasse de m'entretenir la sciatique sur les sièges inconfortables de l'une de ces réunions en pantouffles dont il semble que le pays soit friand, j'avais décidé de faire du terrain et laissé à Phengdy, la responsable des soins infirmiers au département de médecine curative du ministère de la santé le soin de m'organiser la tournée des grands ducs.

J'aime bien Phengdy. C'est une vieille infirmière qui travaillait avant à l'école d'infirmières et qui a formé à peu près trois ou quatre générations de travailleuses de la santé avant d'être nommée au ministère à un poste que tout le monde considère comme un sous-poste mais dont le sacerdoce quotidien la passionne. Avec moi, elle a trouvé à qui parler, puisque je l'ai abordée en lui assénant que je considérais les infirmières bien plus importantes que les médecins dans un pays comme celui-ci avec les structures de santé telles qu'elles sont. Ca lui a plu et depuis on est copines. Comme la première semaine de ma prise de fonction, mon boss me trainait à toutes sortes de réunions et autres cérémonies d'ouverture et de clôture de séminaires divers et variés, je l'ai croisée plusieurs fois et à chaque fois elle m'a pris le coude pour m'isoler dans un coin et me supplier de l'aider à faire quelque chose avec les infirmières de ce pays qui ont tant besoin de soutien. D'autre part, je suis responsable du suivi de tout le programme d'utilisation rationnelle des médicaments et notemment des antibiotiques, par extension du contrôle des infections et par dérivation de l'assurance qualité des soins infirmiers, sachant que l'assurance qualité des soins infirmiers dans ce pays sous-entend se laver les mains avant de toucher un patient et nettoyer par terre (les professionnels de cette liste de distribution souriront, moi je ne trouve pas ça drôle). Je ne sais pas très bien comment je suis arrivée à m'occuper de ça. Sans doutes parce qu'il ya tout un tas de spécialistes assis quelque part au bureau régional de Manille qui ont des sous à dépenser dans un programme qui s'appelle comme ca et qu'ils n'ont personne sur le terrain pour les aider à liquider leur matelas de dollars et que moi, la supplique de Phengdy m'ayant été droit au coeur et aussi en souvenir d'une ou deux copines infirmières restées sous le crachin belge, je me suis sentie investie d'une mission sacrée et j'ai répondu présent à l'appel des spécialistes de Manille.


Voilà, entre autres choses, je m'occupe de l'assurance qualité des soins infirmiers (prononcez QA) et j'en suis fière.
En cette qualité, je suis allée visiter aujourd'hui les deux services modèles où une procédure QA a été implémentée, l'un à l'hôpital Mahosotet l'autre à l'hôpital Methaphab.


Mahosot, j'avais déjà visité et l'une ou l'autre d'entre vous ont déjà eu droit à la description apocalyptique du service de maternité. Mahosot date de 1912, ce sont les français qui l'ont construit et si on n'y fait pas gaffe, on se croirait à Brugmann: un vieil hôpital tout en pavillons. Sauf qu'à Brugmann, on ne voit pas la famille de 2 ou 3 adultes et 4 ou 5 gosses par patient hospitalisé camper sur la pelouse roussie avec le panier de riz gluant et les papayes vertes, occupés à faire la popotte pour le pauvre bougre qui se tord dans son lit. La nourriture en effet n'est pas comprise dans le prix, ni d'ailleurs les soins infirmiers dits de base ou "bedside", autrement dit pour l'urinal ou la panne, comme pour changer de position de la fesse gauche à la fesse droite ou gerber dans le reiniforme (quand il y a des reiniformes), y'a intérêt à avoir de la parentèle prête à se sacrifier pour glander là.

Les infirmières de Mahosot, puisque c'est d'elles dont il s'agit ici, n'ont pas changé de look depuis 1912, elles ont toujours la même coiffe et le même niveau de connaissances, tout au plus leurs jupes se sont-elles raccourcies de 5 ou 10 cm (on est au Laos, pas oublier).

Le service modèle de Mahosot, celui que Phengdy a choisi pour commencer le QA, c'est le quartier opératoire et la salle de réveil. Le programme de QA (rappel: se laver les mains et nettoyer par terre) a commencé lundi dernier. Faut-il entendre par là qu'avant lundi dernier les infirmières du quartier opératoire de Mahosot ne se lavaient pas les mains? La réponse est oui. Faut-il entendre par là que depuis lundi dernier les infirmières du quartier opératoire de Mahosot se lavent les mains? La réponse est non. Dans le vestaire où un très joli poster en couleurs explique la procédure du lavage de mains ordinaire, il y a bien un évier, mais pas d'eau. Au bloc 1 où un autre très joli poster explique la procédure du lavage de mains chirurgical, il ya aussi un évier (large, profond, grand robinet manoeuvrable au genou), mais il n'y a pas d'eau. Ne déprimez pas, au bloc 2, il n'y a pas de poster mais il ya de l'eau, seulement pour sortir de la salle de lavage, il faut ouvrir la porte et la porte a une poignée tout ce qu'il y a de plus normale, du genre qu'il faut tourner avec ... la main. Bon c'est déjà ça, on va faire avec ce qu'on a. Comme les infirmières de Mahosot ont assisté le mois dernier à un séminaire sur le lavage des mains dispensé par deux infirmières singapouraises payées chacune 1000 dollars par jour (évidemment, le séminaire en question avait un nom beaucoup plus glamour que "Lavage de Mains"), elles ont organisé des workshops pour convoyer l'information reçue à leurs collègues de travail. Résultat des courses, les chirurgiens qui, comme on le sait, sont beaucoup plus intelligents que n'importe quel autre être humain, ont acccueilli la chose avec une moue de dédain genre 'on vous l'avais bien dit qu'il fallait se laver les mains'. En revanche les anesthésistes ont fait les indifférents et ne voient pas du tout en vertu de quoi ils devraient se laver les mains puisqu'ils ne touchent pas le patient (enfin, presque pas).

Naivement, j'ai posé la question de savoir où en était l'application du nettoyage de sol. On m'a répondu qu'on était en train d'écrire la procédure.

Détail non négligeable: Mahosot, c'est l'hôpital universitaire de Vientiane, le plus gros centre hospitalier du pays.

Bon qu'à cela ne tienne, avalant enfin notre salive (jusque là j'avais respiré par la bouche rapport à l'odeur parce que bon quand y'a pas d'eau ...), nous reprîmes la voiture pour aller voir Methaphab.

Methaphab, mettons les choses tout de suite au point, c'est le second hôpital universitaire de Vientiane et le centre de référence pour la traumatologie et la neurochirurgie (avec tous ces jeunes qui font de la moto sans casque ...). Mathaphab a été construit par les Russes, en lao son nom signifie Amitié, en souvenir de l'amitié lao-russe. On n'y trouve pas le charme surrané style Hotel-Dieu qui règne à Mahosot. C'est beaucoup plus technologique, et d'ailleurs les infirmières n'ont pas de coiffe. En revanche, on trouve des choses amusantes comme des couloirs gris sans fin avec des portes sur lesquelles sont clouées des plaques écrites en cyrillique. Le service modèle de QA, c'est l'unité de soins intensifs. Allez j'abrège, là non plus il n'y avait pas d'eau.

Pour me faire plaisir, on m'a emmenée voir le bloc. Le vieux, tout décati mais aussi le nouveau, tout joli, résultat de l'amitié lao-sud coréenne. Vieux ou neuf, russe ou sud-coréen, rien n'y change, c'est quand même le même charriot unique qui emmene le linge sale et ramène le linge propre ...


La semaine prochaine, Phengdy m'a promis la visite de Sethathirat, l'hôpital tout neuf construit par les Japonais. Espérons que la visite va me remonter le moral.


Conclusion, à un niveau strictement personnel, je suis contente d'avoir des sous et à un niveau plus professionel, je suis aussi contente d'avoir des sous, encore que ces sous là, ce soir, je ne sais pas très bien par où je vais bien pouvoir commencer à les dépenser ...


15 juin 2005

Thaïlande, pays de cocagne ou Disneyland racheté par un opérateur de mobiles.

Suite aux nombreuses demandes à moi adressées par l'intermédiaire de la toile électronique qui s'est tissée ces 5 dernières années à une vitesse hallucinante à la surface de notre bonne vieille boule bleue, je reprends ci-devant ma chronique irrégulière et néanmoins abondante relatant par le menu les diverses expériences de la horde des énervés au pays du Zen.
Si le cinquième épisode de nos tribulations à la surface de l'étang aux lotus sur lequel est sis notre chaumière, ainsi que dans les rues avoisinantes et les pays limitrophes, a pris un peu de retard par rapport au rythme auquel je vous avais accoutumés, c'est que d'une part une certaine habitude s'installe dans notre quotidien, ce qui prouve que la vie a partout cette particularité de confiner à la routine lorsque l'humain apprivoise son environnement immédiat et même un peu au-delà; et d'autre part j'étais un peu occuppée à regarder les infirmières de Mahosot et de Methaphab se battre avec leurs robinets taris.

Entre quelques cours d'hygiène de base, j'ai aussi mangé des suchis au Lao Plaza. Les suchis en question n'étaient pas aussi bons que ceux que fabrique délicieusement la meilleure moitié de l'Oncle E, celle-là même qu'il a dénichée quelque part dans la région où nous sommes exilés, que l'Eternel bénisse jusqu'à la racine de son abondante chevelure puisqu'outre le fait qu'elle est très sympathique, elle illumine la vie du sus-dit Oncle E et en plus a réussi à fabriquer une moufflette très rigolotte qu'on aime beaucoup et qui est la meilleure-amie-pour-toujours de notre moufflette à nous (rigolotte aussi par ailleurs). Le Lao Plaza quant à lui est le deux ou troisième meilleur hôtel de la ville, climatisé, service impeccable, très cher, pourvu d'une salle de conférence aux dimensions hall-de-gare permettant d'organiser les grandes réunions des gentils donneurs étrangers que nous sommes. Ainsi donc, dans ce cadre merveilleux et néanmoins légèrement tartignolle, j'ai mangé des suchis et beaucoup de pastèque, comme à mon habitude, pendant les pauses cafés d'une réunion organisée par les japonais, encore eux (d'où les suchis). Rien de bien étrange à cela, si ce n'est qu'entre les collations, on parlait de choses aussi divertissantes que le retard staturo-pondéral chez les enfants zen, s'étonnant dans la foulée que contrairement aux enfants indiens, les zens ne récupèrent pas vers l'âge de 2-3 ans, quand ils commencent à manger comme les grands, ceci parce que les meilleurs morceaux sont réservés aux hommes et que les femmes et les enfants passent derrière, même les petits garçons. Après quoi, re-pause pour boire le café et manger de délicieux feuilletés à la noix-de-coco. Une fois calés et réchauffés par le breuvage bien chaud (c'est que, encore une fois, j'avais oublié ces fichues clim' qui fonctionnent à fond et omis de prendre un gros pull), la réunion reprend pour parler cette fois de cette mauvaise habitude qu'ont certaines éthnies du nord et du sud de ne pas mettre les enfants au sein dès la naissance mais de leur donner du riz gluant prémaché et de l'eau sucrée. Le collostrum quant à lui est exprimé et jeté tandis que la jeune accouchée n'a pas le droit de se coucher pendant 3 jours: elle doit rester 72 heures durant debout ou accroupie dans une cabane au fond du jardin. Je n'ai pas compris le but du jeu, mais l'exposé avait ouvert l'appétit de l'assemblée et nous sommes tous allés chercher nos petits tickets pour avoir le droit de manger de la lasagne et du boeuf strogonoff au restaurant du rez-de-chaussée. Je vous passe les détails de l'après-midi et de la journée du lendemain mais cette grand-messe devrait permettre à tout le monde d'y voir plus clair dans la situation générale et de débloquer les fonds pour changer la face du monde. Je ne sais pas très bien si ça va fonctionner mais en attendant, je peux affirmer que le cuisiner du Lao Plaza est excellent et qu'il s'entend à merveille pour varier les en-cas et les goûters de façon à ce que personne ne quitte les lieux dégoûté et chagrin, mais qu'au contraire tout un chacun reste attentif au propos des orateurs en attendant la prochaine pause.


Voilà, j'étais donc très occupée sur le plan professionnel.

Sur un plan plus familial, j'ai constaté encore une fois que certains conseils de l'Oncle E, que la paix règne toujours sur son âme généreuse ainsi que sur celle de sa famille, y compris sa progéniture rigolotte, méritaient d'être mieux écoutés, or nous l'écoutons déjà beaucoup. Ainsi donc je n'avais pas pris la précaution de vacciner ma petite famille contre l'encéphalite japonaise, maladie relativement grave et parfois mortelle transmise par piqure de moustiques dont au sujet desquels vous savez que nous sommes largement pourvus. Les brochures d'information pour voyageurs aventureux précisent toujours que le vaccin est nécessaire en cas de séjour de plus d'un mois en zone rurale. Or je croyais aller habiter en ville, mais comme vous avez pu le voir d'après les photos de notre sympathique voisin bovidé, on ne peut pas dire que Vientiane soit en ville. Par ailleurs, les dernières informations en provenance des laboratoires vétérinaires de notre charmante bourgade campagnarde nous disent qu'un à 2 chiens par semaine ont un diagnostic post-mortem de rage, et ces statistiques ne tiennent pas compte de tous les meilleuzamisdel'homme qui n'arrivent jamais jusqu'à la morgue mais qui sont enterrés quelque part à la hâte après avoir été lapidés. Prenant donc mon courage à deux mains, je décidais de faire vacciner la tribu contre ces deux affections mortelles et par la même occasion, leur administrer un vaccin contre la tuberculose, vaccin qui n'est plus en vigueur en Belgique mais qu'en vertu d'un procédure tres Française, l'Ecole Hoffet exige pour les enfants.


Pour ce faire, comme il nous est abondemment conseillé par ici, nous sommes allés en Thaïlande.

Pour ceux qui n'auraient pas les connaissances encyclopédiques de l'Oncle E, que l'Eternel fasse qu'il soit toujours fourni en électricité, en eau chaude et en massage pour les pieds, la Thaïlande est à un jet de sputum. De chez nous, il faut prendre le tuk-tuk (sorte de tricycle à moteur avec banquette arrière et toit, en Inde on appellerait ça rikshaw) pour sip ha kips ou le taxi pour ha sip kips (conversion monétaire voir ci-dessous) et faire une vingtaine de kilomètres au Laos jusqu'au Pont de l'Amitié, ainsi nommé en raison de l'amitié Lao-Thai (comme vous pouvez le constater, le Laos a beaucoup de copains). La frontière Lao se passe d'un côté du pont. Le pont lui-même est une zone franche avec un duty-free shop qui se vante de posséder les meilleurs vins d'Asie. Methaphab Bridge se franchit en shuttle bus. A mi-parcours, le bus change de sens, car en Thailande on roule à l'envers à l'instar du Common Wealth. De l'autre côté du pont, on passe la douane du Royaume de Thaïlande, en cela différent de la République Populaire du Peuple Lao que les douaniers portent des unifomes blancs façon Mousse de la Marine Royale, au lieu du kaki. Je ne sais pas pourquoi mais ce blanc virginal, avec les galons dorés, ça leur donne tout de suite un air primesautier, on dirait qu'ils vont se mettre à faire un karaoké, on n'a pas du tout envie de les prendre au sérieux. Une fois les passeports dûment cachetés, il faut prendre un taxi, soit pour Nong Kai, qu'on voit déjà au loin, soit pour Udon Thani, à une cinquantaine de bornes. Et là tout de suite, plongée en apnée dans la civilisation... Oui, je sais, pour ceux d'entre vous tous qui vivent à Bruxelles, à Paris ou à Londres (sans compter de nouveaux lecteurs jusqu'à Pekin), le nord de la Thailande doit être le dernier trou du monde. Que nenni, la Thailande est un pays dit 'middle income' et si je ne me trompe, le Portugal l'est aussi, pour vous donner une référence. De toutes façons, comparé à Vientiane, c'est l'autre monde. Donc autoroute signalisée, berne centrale, rond-points avec gazon, casses-vitesses. Ceci pour le trajet. A Udon, le premier truc à faire pour passer le temps dans les embouteillages, c'est de compter les Seven/Eleven: il doit y en avoir autant quà New York ou à Montreal.

Le taxi nous a mené jusqu'en haut de la rampe d'accès de l'AEK Udon International Hospital, où une nuée de travailleurs indéfinis en blouse blanche se sont précipités pour nous ouvrir la porte, prendre Sanam par la main et Leila dans les bras, faire asseoir JP dans un coin (non, ils ne lui ont pas servi une petite bière) et me mener à la reception. Pendant que j'expliquais mon affaire à trois ou quatre jeunes femmes qui m'écoutaient attentivement en souriant très aimablement et n'y comprenant que pouic, 2 ou trois autres personnes photocopiaient nos passeports et une nana visiblement hiérarchiquement supérieure aux autres remplissait les formulaires à ma place avec trois bics dans chaque main. Immediatment nous fûmes dirigés vers les services ad hoc, l'un de médecine, l'autre de pédiatrie munis de papiers spécifiant nos requêtes en thaï, après quoi tout le monde a disparu et nous nous sommes retrouvés tout seuls. Normal, on avait rempli les fiches et on allait surement payer à la sortie, c'était l'essentiel.

Pendant les trois longues heures qui ont suivi, nous avons eu l'occasion d'examiner les lieux pour noter l'impeccable propreté du carrelage étincelant, le calme olympien des lieux, l'espace enfants avec toboggans, petits vélos et tourniquets, la petite musique de fond, indécelable au début, relaxante au milieu et totalement agaçante à la fin, le pas feutré des infirmières et surtout l'absence quasi totale de patients et de médecins. Nous avons été pesés, on nous a pris la tension et puis on nous a fait nos injections toujours en nous souriant très aimablement.

Pour les médicaux de cette liste de distribution, je dois faire mon mea culpa, mais Sanam criait vraiment comme un veau qu'on égorge et je la tenais fermement en lui susurant des choses douces à l'oreille, c'est pour ça que je ne les ai pas vus faire le BCG. C'est quand le tour de Leila est arrivé que j'ai constaté l'intramusculaire. Sur le coup, j'avais pendu à mes basques deuc veaux qu'on n'avait pas totalement fini d'abattre et qui agonisaient dans mes bras. Il m'a fallu le périple de retour à Vientiane pour retrouver mes esprits et me souvenir que le BCG est intra-dermique et que gare à celui qui se le reçoit dans le muscle. Panique à bord ... Il appert, renseignement pris, que ma turbulente descendance s'est pris une injection de tetanos totalement inutile puisqu'elles sont déjà vaccinées et que je n'avais certainement pas demandées. L'erreur est humaine, mais tout de même. Enfin, j'ai eu des excuses en bonne et due forme de la part du médecin lui-même qui a avoué avoir perdu la face, ce qui pour un Thaï équivaut à faire harakiri. Ce n'est pas tous les jours que les toubibs de nos hôpitaux européens téléphoneraient personnellement à leurs patients dans un pays frontalier pour s'excuser d'avoir administré le mauvais vaccin. Comme bonus on a droit à un BCG gratuit par personne et on peut revenir en deuxième semaine.

Après s'être fait perforés, on est allés au Robinson. Je l'avoue, c'est assez nul pour une première visite en thaïlande d'aller se fourrer dans un centre commercial façon City 2 ... Mais bon il faut nous comprendre. Outre le fait qu'on crevait de faim et de soif et que les moufflettes n'avaient pas encore séché leurs dernières larmes, on avait aussi perdu notre taxi qui était sensé nous faire l'aller-retour jusqu'au pont pour 500 Bahts (rassurez-vous, on ne l'avais pas payé)et on n'avait que 3 heures devant nous avant d'entamer le voyage de retour pour être à une heure décente au pont. Mais surtout, après trois mois à Vientiane, entre les zébus qui se prélassent dans les flaques de boue sous nos fenêtres et les lézards qui se traïnassent au soleil sur nos murs, plus les poules et leur colonie de poussins qui traversent les routes sous nos roues de tuk-tuk, le chant du coq qui me réveille avant mon réveil et la gamine des voisins qui prend son bain dans la rue dans le baquet à lessive de sa mère, on est devenus des paisas, comme on dit en espagnol. Alors tout d'un coup, comme ça, se retrouver dans une grande ville, vous comprenez, on n'a pas supporté ... Comme tous les braves péquenots qui quittent leur cambrousse pour monter à la capitale, on est allés se jeter dans le centre commercial le plus proche, on s'est baffré une pizza au Pizza Hut local, on a acheté des glaces aux petites, on s'est perdus dans le Boots pour faire un stock de repellent et des produits de soins-soins et on a alimenté en pièces de 10 Bahts les jeux pour enfants qui font vroum-vroum et turlututut. On avait l'air très cons, surtout quand on s'est retrouvés au 3eme étage de l'édifice, étage qui aligne d'un côté une rangée interminable de magasins de téléphone portables et de l'autre côté la même litanie sans fin de magasins d'imitation de poupées barbie et de batmans en plastique. On n'avait rien à faire là, à cet étage, devant cet étalage ridicule de choses laides et inutiles, dans ce centre commercial, dans cette ville. On est sortis se chercher un autre taxi pour rentrer dans notre cambrousse, au milieu de nos vaches.

Je crois qu'au moment où la voiture s'est arrêtée devant la barrière en bambou de la maison, j'ai soudain un peu compris pourquoi les laos préfèrent se faire chier à apprendre l'anglais et faire venir des infirmières de Singapour et des consultants des Philippines plutôt que de céder à la facilité d'avoir recours au grand voisin Thaï dont pourtant la langue et l'écriture sont si proches de la leur. Partout dans mon travail, le thaï, les thaïs sont refusés poliment mais fermement. C'est la mort dans l'âme que l'ecole d'infirmières a accepté des bouquins en thaï, les élèves étant vraiment incapables d'étudier quoi que ce soit dans un manuel en anglais. Avant le périple à Udon, je ne pigeais pas et je râlais sur leur étroitesse d'esprit: ce serait pourtant si facile s'ils acceptaient de se faire aider par les thaïs plutôt que d'aller chercher midi à quatorze heures. Maintenant je sais que ce serait surtout facile de se faire phagocyter et si dangeureux de se perdre face au clinquant et à l'arrogance du grand-frère de l'autre côté du pont ...

A mon avis, les touristes belges qui reviennent de Thaïlande doivent dire des choses comme 'les gens sont si vrais' etc. Je leur conseille de passer par chez nous, à mon avis il y a des double-fonds à la vérité.


Bon, assez philosophé, voici le moment tant attendu, notre ...
Chronique Pipole
Ou tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les habitants de la maison des trois petits cochons + les rues avoisinantes


- Pi U cuisine toujours aussi délicieusement, mais elle ne s'appelle pas U, elle s'appelle Pi (prononcez Paï). U (prononcez Eurgh) veut dire tante.

Elle a décidé d'accélérer mon apprentissage du Lao, elle doit trouver que ça ne va pas assez vite puisque ça fait deux semaines que j'en suis à compter jusqu'à 10 (nung, song, sam, si, ha, hok, jet, pet, giao, sip) et que Sanam en est déjà 11 (il faut dire qu'elle, elle apprend avec Paitoun, le gardien de jour-jardinier et qu'il est meilleur instructeur). Donc elle n'arrête pas de me dire des trucs en parlant lentement et en détachant chaque syllabe et répétant le tout plusieurs fois d'affilée, comme si j'étais une attardée mentale au bord de la crise d'hystérie et qu'il fallait me calmer tout de suite en me donnant l'impression que je suis la personne la plus intelligente du monde.Il faut quand même avouer que cette langue est impossible et que je vous défie de faire la différence entre pet qui veut dire canard, pet qui veut dire huit et le pet de 'mac pet' (sauf que des fois on laisse tomber le 'mac') qui signifie piment.


- Pet, le gardien de nuit (oui, il s'appelle Mr. Canard, sauf que ça se prononce encore d'une autre manière) a abandonné son passe-montagne jaune et laissé sa mâchette dans une cachette connue de lui seul. Je pense qu'il est rassuré sur le voisinage et qu'il se permet donc des petits sommes assez réguliers et parfois mêmes continus. On ne se plaint pas, les amis qui sont venus manger du Lap Pet hier soir nous ont dit que les ronflements de leur gardien de nuit les empêchaient de dormir ...


- Paitoun a ses humeurs, surtout quand Sanam renverse le panier de feuilles mortes qu'il vient de balayer, mais il est très gentil et sert de garde du corps aux enfants quand elles vont faire du vélo dans la rue. A ses heures perdues, il astique les roues de la poussette de Leila et après elles sont si propres que je pourrais aller l'exposer dans un show-room de Prémaman et je n'ose plus l'employer pour aller me promener. Sanam a adopté Paitoun comme nounou et trâine dans son sillage tout le week-end, elle lui fait des crepes au Nutella au goûter et ils jouent à cache-cache. Quant à Leila, elle se précipte dans ses bras et met sa tête sur son épaule, elle l'amadoue si bien qu'elle ne touche plus le sol.


- Une fleur de lotus rose fuschia est en train de s'ouvrir sur l'étang. D'autres boutons apparaissent un peu partout.

- J'ai trouvé sur le manche de ma cuillière en bois posée au bord d'un plat dans la cuisine, un énorme crapaud qui essayait de passer inapperçu. Il était absolument abominable, alors j'ai étaint la lumière, fermé la porte et je suis allée me coucher sans faire la vaisselle, qui est à peu près la seule tâche ménagère que j'accomplis encore. Le lendemain matin, il était toujours là, derrière la bonbonne de gaz, alors Sanam a appelé Paitoun sinon elle n'aurait pas eu ses corn flakes.


- Il ya une bestiole dans les rizières qui a un cri qui ressemble au klaxon d'un camion en plastique pour enfants ou au rire pré-enregistré qu'on entend quand on appuie sur le ventre de certaines poupées: une sorte de EhEhhh métallique dontje n'ai pas mesuré les decibels mais qui me réveille la nuit en sursaut. N'hésitez pas à me faire parvenir toute information que vous pourrez glaner sur le sujet: je suis prête à déménager.


Cette chronique est très longue, j'étais inspirée mais vous pouvez la lire en plusieurs fois si vous voulez. Je sais, c'est malin de dire ça à la fin ...

Je vous embrasse
Maryam



30 juin 2005

Les Znervs 6 : Manille !

Les Zénervés 6: Manille, Manille!
Reprise de la chronique aléatoire à partir du Bureau Régional de l'OMS pour le Pacifique Sud.
Je ne sais pas très bien si ce récit va avoir un sens parce que je vais l'écrire entre deux rendez-vous de 3.5 minutes chacun avec des gens bizarres qui notent toute la journée des informations très importantes sur tout le monde et sur des formulaires en triple exemplaires. Pour répondre aux désirs institutionnels de la merveilleuse organisation que je sers avec joie, je suis venue a Manille, capitale des Philippines, pour recevoir mon briefing d'arrivée exactement 3 mois âpres mon arrivée, ce qui tombe bien puisque c'est justement maintenant que je dois remplir un formulaire intitule 'Arrival Report' et sous-titre 'To be completed no later than 3 months after arrival date at duty station', comme c'est opportun !!!
Je dois dire que je n'avais pas du tout envie de partir et justement pas maintenant puisque ma Mina a moi, elle a troue son menton sur le bord d'une piscine qui l'a sauvagement agressée parce qu'elle a saute trop prés de lui (le bord) et ce parce qu'elle a peur de nager sans bouées. D'ou points de suture poses avec peine par le médecin australien de la clinique de la même nationalité, Sanam enroulée dans deux draps de lit façon camisole de force ou momie égyptienne, ce qui ne l'empêchait pas de crier 'non, je ne veux pas' en boucle, d'ou va et vient permanent du menton dont il est question avec pour conséquence que les points sont tout de traviole (est-ce que ca se dit ca, en français, ou bien c'est du belge?). Pas très grave en soi mais il se fait qu'hier soir on lui enlevait ses points pendant que j'étais en train de m'empiffrer de pastèque (pour changer) en regardant Batman et Robin (celui avec le Beau George Clooney) a la télé de l'Holliday Inn, chambre 509,United Nations Avenue, Manila. Pas cool pour le Jipou, surtout que concomittemment (ou concomitament, ou concomitemment ou ..En même temps quoi), elles doivent se farcir toutes les deux le rappel de l'Encéphalite Japonaise et de la Rage, vaccins dont il était question dans une de nos précédentes péripéties. Simultanément (ouaaais, facile, celui-là !) ou bien alors subséquemment ou conséquemment, je ne sais très bien, JP se paie une diarrhée carabinée: tourista ou stress, on ne le saura jamais. Mais enfin, j'ai l'impression d'avoir abandonne derrière moi un amoureux agonisant et deux enfants martyrs, c'est a peine si je ne les imagine pas se trainer sur les genoux derrière la voiture de l'OMS lorsque j'ai quitte la maison, suppliant, mais je ne les entendais déjà plus, de ne pas partir, de revenir, de ne pas les laisser, pas comme ca, pas maintenant, JP s'écroulant déshydrate et épuise sur le bord du chemin pendant que Sanam, anéantie par la douleur de son menton plonge dans un état de semi-conscience et Leila se retrouve seule avec le lait sur le feu, pleurant a chaudes larmes, a la merci de Loustic, le féroce chien de garde des voisins. Bon, au lieu de ca, Sanam a répondu au téléphone hier soir en m'informant qu'elle avait mange trois assiettes de pates et n'avait pas pleure pendant qu'on lui enlevait ses points et est-ce que si par hasard elle réussissait à réitérer l'exploit pour la séance de vaccins, je pourrais lui ramener deux cadeaux au lieu de un seul svp? Et non, Papa n'est pas a la toilette, il fume sa clope en buvant l'apéro sur la véranda, est-ce que je dois l'appeler? Autant pour la nécessite absolue de ma présence auprès des miens (a moins qu'il ne s'agisse de la nécessite absolue de la présence des miens a mes cotes ?).
Petite pause pour aller manger de la mauvaise bouffe de cantine. Vous vous étonnerez que je ne profite pas de ma première journée dans une ville inconnue pour aller au moins explorer les possibilités de casser la graine dans les alentours immédiats. Je ne peux pas, pour la même raison que celle qui me donne le loisir de vous écrire: je suis obligée de glander à cote de mon téléphone, en attendant que le Dr. Shugeru Omi, Directeur Régional pour le Pacifique Sud daigne exprimer le désir de brièvement poser ses yeux sur ma modeste personne pour m'oublier aussitôt après. Plus important que lui, y'a pas dans les environs. Apres c'est Gro Harlem Bruntland, notre cheftaine scout a Genève. (Pour ceux qui ne connaissent pas Gro, c'est une scandinave énergique, vous avez dit autoritaire?, qui après avoir accédé et siégé pendant des années a la plus haute fonction de l'Etat Norvégien est la première femme Directeur General de l'OMS, preuve vivante du succès du combat féminin des années 60, a cote d'elle le dragon domestique que je me payais a UCB, c';est du pipi de chat).
Le lendemain
J'ai enfin serre la main du Dr. Omi hier soir a 18h dans un bureau présidentiel avec de l'argenterie partout, des fauteuils de cuir, la bannière de l'OMS et des photos de lui avec l'empereur du Japon  et non, je n'ai pas chausse de pantoufles malgré que l'important soit de nationalité japonaise, on est a l'OMS quand même!  JE me suis entretenue avec lui 30 minutes, une éternité. C'était mon jour de fête puisque même mon chef m'a avoue n'avoir eu droit qu'a un entrechocage de doigts. Le Dr. Omi pense que si ne fut-ce que 1% des résolutions et recommandations de l'OMS étaient véritablement appliqués sur le terrain, la Terre serait un Paradis. Il pense que l'OMS doit commencer à être iconoclaste et sortir des sentiers battus sur le terrain, favoriser les nouvelles idées. Monsieur pense que l'OMS a un rôle à jouer dans la réduction de la pauvreté mais pas en remplissant des papiers, seulement il se demande comment. J'en suis restée sur mon derrière, de toutes façons personne ne m'avait demande de me lever, pendant que le Dr. Omi faisait son monologue inspire. J'avais l'air d'une carpe, avec les mêmes yeux globuleux. J'essaie de me fabriquer une contenance lorsque tout d'un coup, il me demande ce que je pense du rôle de l'OMS dans la réduction de la pauvreté des pays les plus pauvres. Aaaaaaaargggggghhhhhh. J'ai cru que le bruit du fonctionnement de mes méninges allait réveiller le fonctionnaire endormi dans le bureau d’à cote, j'ai baragouine un truc que j'avais lu quelque part sur le rôle de 'stewardship' de l'organisation et fait ma cultivée en citant Jeffrey Sachs. Pas difficile, le coup du stewardship c'est dans toutes les brochures d'information, quant a ce vénal et ambitieux JS, autrement dénomme brillant économiste, a récemment pondu un bouquin finance par l'OMS intitule Macroeconomics and Health et c'est Gro qui l'a préface, je ne risquais pas de tomber a cote. De toutes façons, il ne me demandait pas vraiment mon avis mais disait ca pour meubler la conversation et il est passe a autre chose sans écouter ma réponse qui pourtant m'avait coute 5 ou 6 neurones, définitivement grilles, perdus pour le reste de mes jours sur terre. Quand l'entretien s'est enfin termine par l'habituel "si vous avez besoin de quoi que ce soit n'hésitez pas, je suis toujours a votre écoute" (je vais essayer ca un jour, appeler Omi pour lui dire que mon salaire a 1 semaine de retard...), j'étais en nage et j'ai été gratifiée d'un souriant: " I think you will do fine at WHO, I can feel these things".
Ga.
Pour fêter ca, je suis allée faire du shopping comme une malade et je me suis achetée deux paires de sandales. Quoi? Je les méritais, non?
A part ca les Philippins sont rigolos. Genre ce matin, la secrétaire de je sais plus qui avec qui j'avais rdv (mes rdv de briefing se suivent a raison de 1 a 2 par heure, de 7.30 a 15.30 et ce pendant 5 jours, je ne sais plus très bien qui est qui) m'accueille d'un retentissant : '"you look sooooo young, you're beautiful !". Moi qui maudissais justement les miroirs de l'hôtel: a la maison il n'y en a presque pas et de toutes façons, ils sont absurdement places si haut que la seule chose que je vois, c'est qu'il serait temps que je fasse ma colo... et la tout d'un coup, a peine descendue de l'avion, voila que les ravages de deux grossesses et d'une légère propension pour le chocolat et le rire franc (d'ou les rides d'expression que ma rosse de fille ne manque pas de me signaler: "eh maman, t'as des lignes la") me sautent sauvagement a la gueule. Mais après ce compliment j'étais toute remontée, fière de ma jeunesse et de ma beauté. J'aurais du me méfier. La secrétaire du rdv suivant a failli faire une apoplexie en me voyant, comme si elle avait vu apparaitre Claudia Schiffer, et a lance: "Oh you look much younger than your picture, oh you're very nice and good looking!". Hum... Ca a continue comme ca toute la journee d'hier et d'aujourd'hui. C'est a chaque fois pareil. Elles s'etranglent en me voyant comme si Miss Univers vernait de rentrer dans leur bureau, elle se levent, lancent les bras au ciel et me disent que j'ai l'air jeune, elles donneraient leur main a couper que je suis dans mes "late twenties". Ce qui a pour effet de me deprimer completement a chaque fois parce que j'en conclus que si elles l'expriment si bruyemment, c'est que je dois avoir l'air d'une vieille peau et qu'elles ne s'y attendaient pas. L'autre caracteristique du personnel Philippin de l'OMS, mis a part la propension a faire des compliments deplaces et totalement superflus, c'est l'hygiene dentaire. Dans les toilettes, on peut trouver une collection de brosses a dents et de dentifrices, un stock de bains de bouche et une foultitude sacs de toilette de toutes tailles et de toutes les couleurs pour les contenir. Tout le staff Philippin du bureau regional fait la file pour se laver les dents apres manger. Je sais, c'est recommande mais c'est quand meme la premiere fois que je vois la chose aussi publiquement exposee et institutionalisee. Ca doit faire partie du reglement du personnel...
En tout cas, ils sont vraiment adorables et non seulement ici , mais partout, dans les magasins, les restos etc. Et puis j'adore leur langue, ce creole bizarre, inspire de  l'espagnol et l'anglais: je me suis regardee tout un Journal Parle hier soir sans comprendre un seul mot, tellement je trouve ca joli.
Oui, je sais, je ramollis du cerveau. Ca doit etre a force de m'entendre dire que je suis belle par les secretaires tandis que le grand chef me dit que je suis intelligente,. Je compte sur vous pour m'euthanasier avant que je ne me prenne pour la reincarnation de Marie Curie dans le corps de la soeur jumelle de Jennifer Lopez.
Bisous Maryam
PS Chouchou, tu fw a ceux qui manquent dans la liste, j'ai pas les mails de tt le monde ici. Merci



Les Zénervés 7 : Il fait tiède, là.


Ca fait un bail que je ne vous ai pas alimentés d'une chronique aléatoire, et sans vouloir me justifier à tous les coups, ça a quelque chose à voir avec:
1. La position inconfortable, ordinateur par terre, assise en tailleur, le clavier sur les genoux, les fourmis dans les jambes et les doigts incertains (y compris pour la chose de l'orthographe). Mais rassurez-vous mon amoureux a utilement employé son temps libre à nous dessiner un bureau sur mesure, dont la hauteur, la largeur, la couleur du bois et les tiroirs et portes ne déparent pas le look si particulier de notre maison des trois petits cochons
2. Le fait qu'il fait hon, et même hon laï, et même certains jours carrément hon laï laï, quand le thermomètre opportunément à moi offert par mon ami Vincent et que nous balladons de pièce en pièce avec une incrédulité toujours grandissante annonce 38.5 degrés (et c'est bien parce qu'on se refuse à admettre que c'est carrément 39). Ces jours là l'ami Phaïtoun prend son air farceur pour proférer son "hon laï la"¨traditionnel, ce qui veut dire en substance "Nom d'un os qu'il fait chaud, on va tous rotir ou rendre l'âme ébouillantés, allez vite vous réfugier dans votre atmosphère airconnisée, pendant que je m'occupe de votre potager en dédaignant impérialement le ventilateur que dans votre élan de générosité vous m'avez offert pour mes étrennes de Nouvel An". La chaleur est telle en ce moment que soit on s'affale comme une vague étoile de mer anémique sous un ventilateur lancé à vitesse maximum et on somnole en pensant aux rudes hivers de la Mongolie intérieure, soit on s'essaie vaguement à bouger par exemple pour cuire un plat de pâtes parce qu'il faut tout de même que les enfants mangent et alors un observateur extérieur pourrait croire qu'on vient de se faire un plongeon dans l'étang tant on dégouline, sans compter qu'après, on est tellement épuisés qu'on met les pâtes au frigo sans y toucher et on va se recoucher. "L'appel du Nord", un bouquin magnifique sur les Inuites trône sur la table du salon histoire de nous rafraïchir au passage mais ce n'est pas suffisant.
3. L'idée géniale qu'ont eue les ex-collègues et néanmoins amis de mon amoureux à moi, de lui offrir comme cadeau d'adieu la carte son dont il rêvait et dont l'installation (encore imparfaite) nous a valu une bonne semaine de cohabitation avec un informaticien free lance relativement peu doué et un PC éventré sur la table de la salle manger, PC qui refuse depuis lors de réaliser une chose aussi simple que d'ouvrir un bête programme de traitement de texte. Avec pour corollaire de devoir manger sur la véranda sans air conditionné, même à midi alors qu'il fait hon laï laï comme mentionné plus haut.
4. La solution somme toute assez banale de lutter contre la chaleur en allant flotouiller bêtement au Setha plutôt que de se coller devant son clavier. Le Setha, c'est le petit nom du Setha Palace, un palace, comme son nom l'indique, à la piscine paradisiaque duquel nous trainons tous les week-end grâce a une carte d'entrée gratuite que nous a refilée une copine lao-viet qui tient un bouiboui de brochettes, mais elle fait plus de brochettes depuis qu'il fait chaud, elle fait maintenant des soupes de nouilles brulantes, allez comprendre. Comment un bouiboui de brochettes-soupe-de-nouilles a 8000 kips le plat (soit moins d'1 euro) est-il en mesure de distribuer des cartes d'entrée gratuites à des piscines de palaces 5 étoiles? Parce que la fille de la tenanciere de bouiboui est l'ex-secrétaire du général manager dudit palace, job qu'elle vient de quitter pour se lancer dans son propre bizness d'arkogélules, mélange de plantes médicinales qui ont redonné vigueur à son papa à elle, qui depuis qu'il prend ça quotidiennement ne pisse plus sur ces claquettes en plastique mais est de nouveau capable de réaliser des mictions à peu près normales, alors ils ont décidé de tous en prendre et par la même occasion d'en vendre à tous les laos, elle nous a raconté ça pendant qu'on s'empiffrait de soupe de nouilles par  hon laï laï virgule  5  degrés mais nous a immédiatement rassurés: elle pourra renouveler notre carte l'année prochaine parce qu'elle a encore des amis dans la place. Ouf.
La même charmante restauratrice m'a donné un cours de reproduction humaine il n'y a pas longtemps, comme quoi si je voulais un garçon, il faudrait qu'on joue à la bête à deux dos seulement le 14 et le 15 de mon cycle. Tous les autres jours, abstinence, car ces jours là, les ovules qui tombent sont des ovules de filles parait-il, ce qui explique pourquoi les filles sont plus nombreuses que les garçons (question de probabilités). Elle sait ces choses parce qu'elle a étudié la pédagogie à Moscou.
Enfin bref, les prétextes pour ne pas chroniquer ne manquent pas. Rapttrapons-nous.     Avril et sa canicule apportent aussi les pluies oragueuses du soir, ce qui rafraîchit un peu notre sommeil, ceci par rapport à Mars où il ne fait que hon laï mais tout le temps. Ici on appelle ça les pluies des mangues car elles arrivent en même temps que la saison des mangues. A ce propos, nous en sommes à notre troisième caisse de déménégement pleine à rabord ... En effet, dans notre modeste jardinet, outre le tamarinier, les 4 papayers et la demi-douzaine de cocotiers, il y a 8 manguiers. A la première récolte, j'étais excitée comme une puce et les filles et moi on s'en est empiffrées à s'en faire éclater la bedaine. La troisième récolte a un peu pourri, Phaïtoun les ayant oubliés  en phase terminale (il faut cueillir les mangues presque mûres et puis les mettre dans le noir quelques jours pour qu'elles soient à point. en l'occurence, on avait oublié la caisse). Je me suis donc attelée à la confection de confitures. Cette caisse-ci , je dois bien avouer se traîne un peu ... Je veux dire : Pi U en a emporté la moitié, j'ai fait du poulet à la mangue, des jus pour les apéros, j'en mange bien deux ou trois le matin au petit déjeuner et encore une ou deux au goûter, Sanam aussi; quant à Leila elle est limitée à deux par jour sinon c'est la dégelée, mais on ne voit pas le tas baisser et on observe avec inquiétude les arbres du fond du jardin dont Phaïtoun n'a pas encore récolté les fruits. Je ne sais pas pourquoi mais je sens poindre une certaine lassitude ... On a voulu faire les grands seigneurs et on a aussi proposé à Phaïtoun d'en ramener chez lui. Il a eu l'air terrorisé. Grâce à son Assimil d'anglais, qu'il étudie avec ferveur pendant ses pauses de potager, il nous a expliqué qu'il en avait autant dans son jardin et que non merci, il s'en passerait. Il est heureux que les papayers soient plus chétifs et moins nombreux ... Enfin, je suis récompensée de mes ingurgitations quotidiennes par les magnifiques fleurs de manguier fuschia qui  ornent déjà celui des arbres qui fait de l'ombre au balcon de ma chambre.
Pour continuer dans le registre botanique, je ne sais pas si vous vous souvenez avec quelle émotion je vous avais signalé l'apparition de la première fleur de lotus à la surface de notre étang personnel. Nous avons suivi son évolution avec une ferveur passionnée, allant même jusqu'à sortir l'appareil photo pour l'immortaliser, ceux qui nous connaissent savent pourtant que la photographie d'art n'est pas notre hobby. Risible fébrilité de naïfs citadins que nous sommes... a l'heure où je vous parle, on ne voit plus  la flotte et je me demande si les poissons vivent toujours: l'étang est un champs de fleurs de lotus roses qu'on peut presque traverser à pieds secs tant la végétation est intense  et si on devait encore s'emouvoir, on trépasserait d'apoplexie. Exit la poésie. Pi U s'enfonce là dedans jusqu'à mi-mollets pour ceuillir ce que Sanam appelle les trogons de fleurs fanées: ils contiennent des graines à croquer que nous n'avons pas encore goûtées.
Enfin notre jardin possède un autre trésor: un arbre à matelas.C'est un gros végétal dont il pend des espèces de haricots sur-dimensionnés. Pi U les récolte par sacs poubelles de 100l. Comme nous la questionnions sur la chose dans l'espoir que ce soit comestible et nous divertisse de la mangue, elle nous en a cassé un en deux pour nous montrer l'espèce de fibre cotonneuse qu'ils contiennent. Devant notre air ébahi, elle a montré les coussins du salon qui craquent un peu aux jointures et nous en avons conclu que ceci sert à rembourrer cela et que Pi U à ses moments perdus fait commerce de matelas.
Avril, c'est aussi Pi Mai, soit le Nouvel an Lao. Une semaine de délire intégral, pendant laquelle la population gorgée de bière s'embusque aux coins des rues avec des pistolets à eau pour arroser les passants. Quand ce ne sont pas des seaux entiers qui sont déversés des pick-up sur les motocyclistes aveuglés, ce sont des sacs plastiques remplis d'eau colorée (colorant indélébile de préférence) qu'on jette à la figure d'innocents comme nous. On a fini par acheter un pistolet à eau pour Sanam et elle s'en est donné à coeur joie.
Pendant la période de Pi Mai, on est invités à des Baci, en général plusieurs fois par jour. Le Baci est une cérémonie animiste, destinée à chasser les contrariétés de l'anée écoulée et apporter pour l'année nouvelle tous des tas de joyeusetés. Néanmoins, il ne s'agit pas de se fâcher ni avec Bouddha, ni avec Karl Marx. Pour ce faire, avant le Baci païen, on invite les moines du temple de quartier à venir chantonner leurs cantiques et à manger quelques grains de riz gluant, moyennant quoi ils ferment les yeux sur la suite et retournent à leurs affaires spirituelles. Pour Karl Marx, c'est aussi facile, il suffit d'inviter au Baci tous les officiels qu'on compte dans ses relations, à commencer par le chef du village et si possible une représentante de la Lao Women Union. Le mieux c'est de confier les festivités musicales aux jeunes de la Lao Youth Union et là, on est sûrs d'avoir tout le monde de son coté. Le Baci en lui-même se célèbre autour d'un échafaudages de fleurs de préférence oranges dont pendent tout un tas de ficelles. Un important dont je n'ai pas encore saisi l'appartenance marmonne des choses et tout le monde acquiesce tout en restant receuilli et en se contorsionnant pour ne pas montrer la plante de ses pieds à qui que ce soit. Ensuite de quoi l'important se tourne vers l'hôte, lui colle un oeuf cuit dur dans une main et une mandarine dans l'autre (ou alors n'importe quelle denrée alimentaire, j'ai vu des Baci avec des Snickers et des Kit Kat), arrache une ficelle à l'édifice de fleurs et la noue au poignet de celui qui organise le Baci en lui souhaitant beaucoup de bonheur pour l'année nouvelle. Apres quoi, la ruée vers les ficelles est ouverte, tout le monde en prend un stock et se les noue aux poignets les uns des autres en disant des choses gentilles. Plus quelqu'un est important et plus les gens font la queue pour avoir l'honneur de lui nouer des ficelles, toujours en lui collant des trucs comestibles dans chaque main. Ainsi au Baci du ministère de la santé publique, j'avais les avant-bras recouverts de ficelles, puisqu'en tant que sous-fifre à l'OMS, je suis quelqu'un d'important. Apres quoi, on mange, du lap, du riz gluant, de la soupe piquante, quel que soit l'heure et dans le jardin pendant que l'orchestre se met en place. On dansera et chacun sera obligé d'aller au micro pour yaller de sa chansonnette. En général, c'est là que je disparais de la circulation, ma maman sait pourquoi ... Je chante faux. Les officiants de la cérémonie, quant à eux, restent autour de l'édifice floral, qui sans ses ficelles a l'air un peu pelé, et on leur sert sur place du poulet rôti. Pourquoi les punit-on ainsi, je ne sais pas mais moi je préfère le Lap et le Tom Yam au poulet rôti. Je les soupçonne de se défouler après sur les Snickers et les Kit Kat. Les ficelles doivent se conserver pendant trois jours, sous peine de malheurs innomables. Mais quand il y en a beaucoup, on a le droit de les enlever sauf un en guise d'échantillon.
J'ajoute que les Baci sont ausis organisés à d'autres occasions: arrivées, départs, naissances, décès, mariages, promotion, guérison, vols avec effraction, etc etc etc. Toutes les occasions sont bonnes pour chasser les esprits malfaisant et amadouer les bienfaisants,  s'en mettre plein la panse et chanter des chansons. Les Laos sont des bons vivants.
N'empêche ces histoires d'esprit, ça a l'air sympa a priori, mais il y a des jours où ça me casse sérieusement les pieds. Lundi par exemple, je leur en voulais à mort, à ces entités mystérieuses qui régentent la vie des laos. J'ai visité l'unité Néonatale de Mahosot (celle-là manquait à ma panoplie) et j'ai vu une crevette ridicule de 1100 g dans un incubateur, ses doigts de pieds avait la taille d'une tête d'épingle. La mère était morte en couches le 15 avril, soit Pi Mai. Le père était parti dès après la naissance et ne s'était plus montré, ne se montrera pas m'a-t-on dit, pas plus que le reste de la famille. En effet, une mère qui meurt en couches, ca grouille de mauvais esprits et ils en profitent tous pour investir le petit être sans défenses qui  reste en vie, à tel point que 365 baci ne pourraient pas les déloger. Donc, ni le père, ni les tantines et les tontons ni les grands parents ne veulent de l'enfant. Total : un orphelin. La pédiatre en chef m'a dit que c'était monnaie courante.
Et dire que les étrangers n'ont pas le droit d'adopter ... Bon, allez, je vous laisse méditer sur ces paroles. Ma prochaine chronique vous parviendra sans doutes de Khatmandou où je vais séjourner deux semaines pour suivre un cours. Ecrivez nombreux à Chouchou qui va rester tout seul ici: au départ, on devait partir en famille mais les rebelles Maoistes ont l'air déchaînés et on m'a dit de laisser ma  famille à Vientiane. On râle ferme mais les consignes sont les consignes.
Je vous embrasse Maryam



Les Zenerves 8: Voyages, Voyages...


Les énervés visitent l'Asie - Piécette en trois actes.
Prologue
La Marie (c'est moi) fit ses valises la mort dans l'âme et s'en alla par les couloirs aériens sillonés par des engins qui crashent 1 fois sur 3 à la rencontre des rébelles Maoistes à Katmandou. Elle laissa sa couvée et son amoureux un peu dépités sous la pluie (de la saison des ... débutante) avec la perspective de joyeuses retrouvailles et autres ripailles 15 jours plus tard a Bangkok.
  Episode 1Katmandou: la descente aux enfers
  Ca fait des années que j'ai envie de visiter le Népal. Katmandou, c'est un peu la ville mythique de ma post-adolescence picenlov (bien que je n'aie pas tout à fait l'âge de ça, mais bon) et on était tout excites le Chouchou et moi d'aller y passer 15 jours. Jusqu'à ce que les consignes sans appel de l'OMS séparent l'heureuse petite famille. Je me suis donc retrouvée dans l'avion pour Bangkok toute seule,   le coeur lourd et la larme à l'oeil. La Thai (Airways) avait décidé de se mettre au diapason de mes humeurs et diffusait une espèce de musique sortie de je ne sais où, comme dans les films d'amour quand le héros meurt à la fin écrasé par une voiture sous les yeux de sa nénétte unijambiste qui comptait sur lui pour l'aider à traverser la rue parce qu'elle devait aller voir leur fils leucémique qui se mourrait l'hôpital. Une horreur. Dans un supermarché bondé le samedi matin quand les filles te grimpent aux guibolles pour réclamer leur chocolat, c'est déjà énervant, mais dans un avion de la Thai prêt au décollage où t'as même plus le loisir de partir en courant, c'est infernal. J'ai même pleuré.
Passé une nuit à Bangkok dans l'attente de ma connection pour Katmandou. Le lendemain matin, j'ai su qu'il y avait deux Asies qui coexistent et cohabitent en s'ignorant superbement. C'était pendant que je faisais la file pour enregistrer mes bagages eu milieu d'un tourbillon de saris, j'ai avisé un népalais qui essayait de négocier le taux de change du dollar avec l'employé de la Thai Military Bank ... Il venait de changer 100 dollars pour payer sa taxe d'aeroport, se retrouvait avec trop de bhats et prétendait les rechanger en dollars sans perdre un centime. Pour convaincre le thai calme, souriant et néanmoins complètement incrédule de l'autre côté du guichet, il passait le bras par le hublot pour montrer le tableau des changes et comme le thai restait toujours impertubable, il s'est mis sur la pointe des pieds pour passer carrément sa tête par la petite fenêtre ronde. et puisqu'il ne pouvait introduire à la fois son membre supérieur et son encéphale par l'étroite ouverture, qu'à cela ne tienne, il alternait les deux, ce qui a dû produire sur le très sérieux (et néanmoins souriant) employé de banque un effet acoustique assez intéressant, à tel point qu'il est allé chercher son supérieur. Je ne connais malheureusement pas la conclusion de l'intervention du gradé qui me paraissait cependant nettement moins souriant que le guichetier, mais toujours aussi calme.
A l'arrivée j'ai découvert une ville sinistrée: c'est quoi Katmandou sans les touristes ? Pas de couvre-feu officiel mais des soldats en armes aux coins des rues dès la tombée de la nuit, des magasins vides (les marchandises sont cachées qualque part de peur que les rebelles ne débarquent), la population paniquée par la fin de l'état d'urgence annoncée pour le 25 Mai, Durbar square vide, Thamel vide, les temples remplis de dévots et Bakhtapur une ville fantôme. Le Népal des backpackers a vécu ... On pourrait s'en réjouir mais eux, ils ne sont pas contents.
Je vais avoir du mal à adopter ma légèreté de ton habituelle pour parler de Katmandou. Il faut dire que 15 jours d'affilée, j'ai fréquenté chaque matin pour raisons professionnelles trop longues à expliquer ici, la Kanti children hospital ... Quelques flashes. Cette petite fille de 11 mois qui pesait 3 kilos, sa mère avait quitté son village dont elle ne connaissait pas le nom, sa gamine sous le bras pour aller a Katmandou. Elle avait demandé son chemin, pris des bus, s'était laissée diriger dans le seul but de montrer le môme qu'elle trouvait trop maigre à des docteurs. Elle ne savait pas comment rentrer chez elle. On l'a croisée le matin dans la salle d'attente bondée, assise dans un coin, en train de câliner sa minuscule petite comme si elle venait de naître. On a cru que la petite avait quelques semaines... On a découvert l'horreur une heure plus tard en consultation quand elle nous a dit son âge et qu'elle l'a désabillée. Taux officiel de malnutrition: 57%. Un bébé de 4 mois qui est mort sous nos yeux dans une unité de soins intensifs qui ressemblait aux chiottes d'un resto turc derrière la gare du Midi: malnutrition, déshydratation, septicémie, la valse habituelle des verdicts contre lesquels on ne peut rien. Un autre bébé de 6 mois en train de gémir (imaginez un bébé de 6 mois en train de gémir ...), noyé dans sa diarhhée. J'arrête, je ne me souviens plus très bein des autres, mais ils étaient nombreux, je croise encore parfois leur regards dans mes cauchemars  et je ne pouvais rien faire.
Pour me détendre, j'ai été voir la maison de la déesse Kumari. C'est une déesse vivante, elle a 5 ans. Elle vit dans une petite maison du 16eme siècle splendide, avec des boiseries à tomber par terre et une petite cour intérieure qui dégage une atmosphère de sérénité incroyable. On crie son nom, sa nounou se penche à la fenêtre et vérifie que personne ne s'apprête à prendre des photos et elle passe la tête pour faire coucou. Elle est habillée de rouge et d'or, maquillée comme une princesse. Elle a l'âge de ma Sanam et en a pour jusqu'à sa puberté dans cette prison dorée. Dès que les premières gouttes de sang de sa future féminité apparaissent, elle est détrônée et on en choisit une autre. Elle vient d'une sainte famille de la caste des Brahmanes, elle a été choisie pour la couleur et la texture de ses cheveux, la blancheur de ses dents, la taille de ses yeux et parce qu'on l'a enfermée 2 ou 3 ans plus tôt avec d'autres gamines de son âge en présence d'une tête de buffle et qu'elle n'a pas eu peur. Attention, si elle a ne fut-ce qu'une petite égratignure, une seule goutte de sang qui coule, elle sera disqualifiée avant sa puberté. Pas de vélo, pas de patins à roulettes, pas de trotinette, pas de grimpettes, pas de galipettes, pas se traîner par terre, pas de bricolages avec des ciseaux, pas cueillir de fleurs, pas jouer avec des cailloux ni avec des chatons. Une enfance volée qu'on décore de temps en temps pour parader en ville dans un palanquin garni de fleurs. C'était juste ce qu'il me fallait pour voir la vie en rose après l'hosto. Je crois que je vais arrêter le tourisme, ça fait du mal a mon moral.
  Episode 2 Bangkok: the ultimate plastic experience
Heureusement, quand on a eu la chance de naître du bon côté de la barrière invisible qui sépare l'humanité en deux moitiés inégales, les mauvaises choses ont toujours une fin. J'ai donc repris l'avion pour Bangkok y rejoindre mes deux princesses et leur papa. Je devais assister à un cours sur le financement de la santé dans les pays en développement en espérant que je trouverais à Bangkok les réponses aux questions soulevées à Katmandou.
Bangkok, la ville du futur, dont on ne peut traverser aucune rue sans grimper 50 marches pour accéder à un pont aérien qui enjambe la plus dense des circulations automobiles de cette planète (et ne comptez pas sur les Thai pour penser aux handicapés ou aux pauvres parents avec poussette: pas d'ascenseur, pas d'escalator et il est interdit de transpirer, ils sont très à cheval sur l'hygiène). Bangkok et son métro aérien qui permet très opportunément d'éviter les embouteillages mais qui vous empêche de voir le ciel bleu: chaque fois que vous levez le nez, vous tombez sur un gigantesque spaghetti de béton, l'échangeur du skytrain ... Bangkok, la ville la plus poluée du monde mais  où jeter ou renverser quelque chose en rue est passible de prison et ou même les bébés n'ont pas le droit de boire leur biberon dans le bus. Bangkok ou le plastic souverain, le polyester fait roi, l'empire du synthétique et de la contre-façon, en particulier au MBK center sur Siam Square où tout est à 99 bhats, autant dire presque pour rien. Bangkok, le "dollarie" géant ...
(NB. Le Dollarie est un concept Canadien exporté chez nous récemment: ces magasins où tout est à 1 dollars, chez nous 50 F ... Ca vous dit quelque chose?).
Evidemment, comme partout, il y a des moments de grâce. Par exemple quand on va, à 22h, au Seven/Eleven chercher du lait pour Leila et qu'en sortant du super marché, en plein sur Phyathai Road (celui avec 4 bandes de circulation dans chaque sens + deux bandes de circulation aériennes et la ligne principale du skytrain par dessus), on tombe nez à nez avec un éléphant. Qui fait la manche. Apres avoir glané quelques bananes, le mammifère s'en va, zigzaguant entre les taxis et les mobylettes, manquant écraser les tuk-tuk d'un coup de patte. On a vu passer un flic et j'ai cru qu'il allait verbaliser l'éléphant. J'en ai été pour mes frais. Je me demande:   la crotte d'éléphant sur les trottoirs de Bangkok est-elle un problème ponctuel ou récurrent et est-ce passible d'une forte amende ou carrément de prison? Je m'interroge: comment apprend-on à un éléphant à jeter ses peaux de bananes dans une poubelle publique?
En tout cas, les gens n'avaient pas l'air surpris. Leila non plus d'ailleurs. Il semblerait que l'éléphant fasse maintenant partie de son univers quotidien. Elle le nomme quand elle voit des photos dans ses livres, ainsi que le crocodile et le buffle et même le dragon. Mais elle ne reconnait pas encore le lapin ni le cochon d'inde. Dois-je m'inquiéter? Enfin, ce voyage a Bangkok lui a été salutaire: maintenant elle sait ce que c'est qu'un bus et un métro: j'avais peur qu'on ne rentre à Bruxelles et qu'elle ne demande à prendre le tuk-tuk.
  Episode 3 Bangkok (ctd): Indulge yourself in luxury
Au bout de 2 semaines, vous vous en doutez, on en a eu marre et on a eu envie de prendre des vacances. Vous n'êtes pas sans savoir que JP a des goûts de luxe surtout en matière d'hôtel, puisqu'il est tombé dedans tout petit. Personnellement, j'ai grandi dans un environnement plus pragmatique  et je suis plutôt du genre à passer  une demi journée dans un centre commercial où tout est à 99 bhats. Mais après 12 ans de vie commune, la contagion a fait son effet. Or,   je suis maintenant en possession d'un splendide passeport bleu pâle: le Laissez-Passer officiel des Nations Unies. Ce précieux livret qui me permet de gagner beaucoup d'argent sans payer de taxes, de voyager avec 30 kilos d'excédent de bagages  sans qu'un douanier, même Suisse, ne moufte mais aussi de payer mon eau et mon électricité 60 fois le prix officiel Lao, me sert aussi à négocier des tarifs à tomber par terre dans les palaces.
Mon cours a la Chulalonkorn University terminé, nous avons donc décidé de passer notre dernier week-end à Bangkok  dans une suite du  Shangri La, fruits et thé dans les chambres, buffet pantagruélique, petit-déjeuner resplandissant, au bord de la rivière, dîner avec danses Thaies et guirlandes de noel dans les arbres dans une maison traditionelle en tek, plusieurs piscines, quelques jacuzzis, 2 ou 3 saunas, l'un ou l'autre hammam, poolside massage du corps et des pieds, orchidées dans les verres à dents, larbin pour vous ouvrir les portes après la manucure, accès par la rivière avec port privé pour éviter les embouteillages de la ville, service impeccable avec fonction baby -sitting automatique pour Leila (en particulier quand elle se mettait à leur parler Lao, dire Sabaidee,  réclamer du Cao Niao, dire KhopChai quand elle le recevait et lak hon quand on partait... dans ce cas ils fondent, moulinent allègrement des deux bras en criant "Passa Lao! Passa Lao!", appellent tout le reste du personnel hotelier dans un rayon de 500 mètres. Ils s'amassent tous autour d'elle, trouvent un Thai parmi eux qui vient des provinces du nord et parle le Lao.  Ce dernier  commence à tailler le bout de gras avec le moufflet pendant que tous les autres la regardent émerveillés. Pendant ce temps là, Papa avale son screwdriver en lisant John Irving tandis que Maman sirote son Pina Colada en se massant le dos dans le jacuzzi et on ne doit plus s'occuper de rien. Tres pratique.)

Epilogue
On est de retour à la maison. Déjà ça fait bizarre de prendre l'avion pour Vientiane et de se dire qu'on rentre à la maison. C'est la première fois que ça nous arrive et on était très impressionnés (sauf Leila, comme d'habitude).
Bien que le premier matin, on s'est demandés où on pouvait aller chercher les oeufs sur le plat, le bacon et les toasts avant de se rendre compte que si on en voulait, il fallait sortir la poele et les faire, on est contents d'être dans nos pénates. Surtout que le chef du village a profité de notre absence pour retourner ses champs et planter du riz et qu'on va enfin avoir des vraies rizieres sous nos fenêtres (au lieu de la pataugeoire à zébus que nous avions en saison sèche).
Sanam a retrouvé les petites voisines avec qui elle fait du vélo dans la rue tous les jours (sans pour autant arriver à emmagasiner un seul mot de Lao, le potentiel de cette enfant pour les langues étrangères est une véritable catastrophe).
JP a retrouvé son ami le garagiste, celui qui travaille sur notre Jeep chinoise depuis 5 mois (date de livraison officielle 28 février 2002).
Leila a retrouvé Paitoun, celui qui n'hésite pas à la prendre dans ses bras dès qu'elle en émet le désir. Et moi j'ai retrouvé mon boulot: lundi matin, départ pour le district de Phonesavath, zone spéciale de Xaysonbone, où vit l'ethnie Hmong. Visite d'un centre de santé dans les montagnes. 3 heures de route, 2h de bateau, petite grimpette pour arriver là haut et y trouver un superbe centre de santé tout propret, avec des dossiers magnifiquement tenus, des réservoirs pour les seringues usagées, des consultations prénatales et postnatales, des panneaux solaires pour alimenter le frigo à vaccins, des diagnostics de méningites correctement posés et des médicaments utilisés à bon escient. Tout ça réalisé par un infirmier-sage homme (on ne dit pas sage femme pour un homme je suppose ...) Hmong.  Ca fait du bien n'empêche, même si tout ca tient debout grâce à un prêt de la banque mondiale. Ils cherchent un moyen de rendre ça viable à long terme. Ouf.
Je suis revenue à la maison la nuit tombée pour trouver le prof de Lao qui m'attendait pour nous donner notre premier cours de Lao à JP et moi. On a passé le reste de la soirée à ânoner: "J'ai du poulet", "J'ai des oeufs" et "J'ai une maladie", pour comprendre les subtilités tonales du Lao. En effet, poulet, oeuf et maladie se disent également Kai mais avec trois tonales différentes. Passionant.
Je vous embrasse Maryam



Les Zenerves 9: On se croirait en Moselle.


Bonjour les amis de là-bas (et quelques autres par ci , par là)


J'aurais du recommencer la rédaction de ma chronique aléatoire tant que les pluies torrentielles de la semaine dernière nous laissaient des soirées fraîches, voire des nuits frisquettes. Il a plu pratiquement sans discontinuer depuis que nous sommes rentrés et comme dirait mon ami Chongkham, made in Laos, exporté en France dès le berceau et réimporté au Laos récemment: "On se croirait en Moselle".
Aujourd'hui on se croirait toujours en Moselle, mais après qu'un savant fou ait modifié génétiquement la chiure d'anophèle pour qu'elle devienne toxique et produise du méthane et alors l'atmosphère se serait réchauffée et il ferait beau en Moselle.
Beau et chaud, mais pas Hon laï laï, rassurez-vous, il paraît que ça va aller en se refroidissant et tout bien réfléchi, il me prend des envies d'hiver.
Non, je ne suis pas malade.


Je ne vous décrirai pas nos vacances frénétiques au Plat Pays. Tous ceux qu'on a vu, avec qui on a bu et partagé l'un ou l'autre fou-rire avec une émotion à peine contenue s'en souviennent et les autres n'avaient qu'à être là.
En revanche, retour au bercail un dimanche soir après plus de 30h de voyage, nous avons trouvé le Phet endormi sous une moustiquaire tendue entre la voiture et les pilliers de la maison. Il n'avait pas son passe-montagne mais l'avait troqué contre un air hagard du plus mauvais effet quand on est supposé être un gardien de nuit féroce et redouté. C'était là le seul bémol. Parce qu'en dehors de ça, notre prestigieuse demeure en bois et paille était parfaitement propre et rangée, les lotus fanés de l'étang avaient été coupés, les nids de frelons fumigés, la pelouse taillée au centimètre. Les papayers étaient plein de papayes, le pomélotier plein de pomélos et l'arbuste à piments plein de piments (celui-là on dirait qu'il a été planté pour qu'on ne doive même pas sortir de la cuisine pour cueillir les piments: y'a qu'à se pencher par la fenêtre).
Après avoir avalé une boîte de Raviolis Buitoni acheté au prix du caviar chez Phimphone II (les deux magasins Phimphone I et Phimphone II sont distants d'environ 50m sur l'avenue Sethathirat ou Samsenthai, je ne sais plus, ces deux là je les confonds toujours. Phimphone II a été ouvert par Monsieur Phimphone quand ila divorcé de madame Phimphone à moins que ce ne soit l'inverse. Ils se sont installés l'un à côté de l'autre non pas par nostalgie de leur amour défunt ni par comodité pour régler les relents des comptes du ménage ni même pour s'empoisonner la vie l'un de l'autre mais simplement parce que. Au Laos il n'est pas nécessaire d'avoir de meilleures raisons que Parceque. Mais ils rivalisent pour importer de Thailande les produits les plus variés qu'il vendent à un prix que je n'oserai même pas évoquer ici par pudeur et par discrétion pour tous ceux qui vont quand même s'approvisionner là. Et donc les Phimphone importent à grands frais pour les cas d'extrême détresse des Raviolis Buitonis, les mêmes qu'au GB, à consommer le lundi.) ... où en étais-je, ah oui: donc près avoir avalé une ou deux boîtes de paté pour chien, nous avons pris l'apéro sur la véranda. Les puristes me diront que l'apéro ne se prend pas après le repas. Je répondrai à ceux-là que quand on en est réduits à manger des Raviolis en boîte de la marque Buitoni, on n'est pas à une hérésie près. Aux autres, je dirai que pour que les enfants mangent convenablement aux repas, nous avons pris l'habitude de prendre l'apéro avec les chips après, et pourquoi pas, en Iran on mange bien les chirinis (= sucreries) avant le repas.
Tout ça pour en venir à vous narrer ce bien être immense et cet immense sentiment de plénitude qui nous envahit soudain à cet instant précis tandis que Leila braillait "On est à la maison, Ok?" et que tout notre être communiait avec elle en cet instant de vérité: "On est à la maison, OK!" (cette manie qu'elle a de mettre des Ok à la fin de toutes les phrases est assez cocasse, mais en l'occurence ça frisait le génie). Une petite pluie de mousson s'est mise à tomber et si j'étais poète je dirai que c'était un chant de bienvenue et tout ça, sauf que bon les pluies de mousson là on en a un peu ras le truc, surtout que la pelouse est un vrai marécage et que les bougeoirs en pâte à sel spécial fêtes des mères moisissent, de même que les chaussures en cuir (je comprends mieux l'intérêt de la claquette en plastique mais pourquoi diable doit-elle faire pouêt pouêt?).
C'est pas du tout qu'on ait passé de mauvaises vacances loin de là, on languissait de vous revoir et on a été choyé, on sait où sont nos potes. Mais la couleur sombre et chaude du bois de teck partout, les clapotis des poissons dans l'etang , le reflet de l'eau dans les fenêtres, les rizières vert pomme qui tiennent en respect les nouvelles constructions thaïes de l'autre côté du canal, cette espèce d'atmosphère hors du temps, dans laquelle la mousson y est pour quelque chose, les gamines qui cavalent à moitié nues dans l'immense véranda, et le Lap de PiU assorti du Cao Niao acheté au marché du coin, ma foi ... vous voyez ce que je veux dire. Si j'ajoute que je n'ai eu qu'à dormir deux fois sur mes deux oreilles et alakazoum et bendikazoum, la grosse valise de linge sale s'est transformée en pile de linge propre dans les armoires, je sens que vous allez former des convois pour une demande d'asile immédiate en République Démocratique du Peuple Lao.


Parmi les évènements notoires depuis notre retour, c'est qu'on a maintenant une magnifique jeep chinoise jaune bulldozer et elle roule. Les plaques qui ornent joliment son devant et son derrière potelé sont encore des plaques gouvernementales qui datent de la guerre de sécession de la zone Spéciale de Xaysomboune, mais Jean Philippe a déjà bu une bière entière avec son propriétaire, un éminent membre du gouvernement de la République dont il est question ci-dessus. L'éminent, qui lui, roule en Toyota 4x4 flambante neuve, se révèle être un employé du ministère des communications, et les bagnoles sont un moyen de communication qui tombent sous la férule de cet important ministère, il va faire tous les papiers pour la semaine dernière et il nous contactera dès que c'est prêt. C'est en bonne voie.


Nous avons repris nos cours de Lao. A ma demande nous sommes passés de 3 fois par semaine a deux fois seulement parce que malgré les bons soins de PiU, soutenue dans son effort par la jeune EET, sa fille, qu'on diraittimide mais que je soupçonne d'être un peu niaise, je ne tirais plus (en tout cas moins bien que Chang, c'est comme ça que j'ai surnommé notre jeep, d'après le nom du compagnon de Tintin lorsqu'il entreprit de se rendre au Tibet. Or Chang tire mal, pour ainsi dire pas). Donc le Lao, ça va. Maintenant on sait dire: mon arrière-grand-mère habite au pôle sud et le pôle sud est au sud du pôle nord. C'est extrêmement utile surtout pour se faire délivrer un certificat de résidence à la maison communale du quartier ou pour demander les chiottes au restaurant. Yomana, notre éminent professeur (prononcez khou) manque légèrement de sens commun en plus de manquer de sens de l'humour. Comme nous lui avons demandé de faire des leçons thématiques, il a attaqué la famille et puis après le globe terrestre. S'il est ma foi utile de savoir que soeur se dit différemment selon que la soeur est plus jeune, plus âgée ou du même âge, il est moins immédiatement nécessaire de pouvoir dire sud-sud-est et nord-nord-ouest quand on n'a pas l'intention d'aller rechercher sa petite soeur perdue dans la forêt tropicale sans boussole.
Le plus cocasse fut quand il m'expliqua qu'il avait vu une étoile filante un soir en allant pisser au clair de lune, tout ça parce qu'il lui paraissait logique d'associer sa leçon sur le globe terrestre à une dissertation sur le cosmos. Je ne lui ai pas demandé comment on disaitfiancée et si elle lui avait donné un coup de main pour sa braguette, fiancée n'étant pas encore un membre de la famille et on n'a pas enocre fait la leçon sur les braguettes, boutons et autres pressions et fermoirs. En plus j'étais seule avec lui ce soir là, Jean-Philippe brossait parce qu'il représentait la famille à une réunion de sécurité des maisons UN du quartier (réunions pendant lesquelles on nous martèle qu'il faut avoir chez soi des vivres et de l'eau potable pour une semaine, une corne de brume pour avertir le gardien et les voisins que vous êtes en danger, que les lieux de réunion en cas d'évacuation sont au Novotel, soit près de l'aéroport ou à l'UNICEF, soit près du pont entre le Laos et la Thailande et autres joyeusetés qu'on noie en général dans une bonne rasade de bière pour oublier).

A part ça, la ville a été inondée. Le Mékong a débordé non pas à cause des pluies ici mais en Chine. La vue des cocottiers avec de l'eau jusqu'aux premières feuilles sur les berges du fleuve était assez impressionnante. Mon boss avait emprunté le bateau de son voisin pour aller de sa porte d'entrée à la grille de son jardin, une autre connaissance à nous attendait que le niveau de l'eau dans sa cour dépasse sa petite culotte et qu'elle ne puisse plus sortir de chez elle simplement en relevant ses jupes pour déménager à l'hôtel. Les Laos n'avaient pas l'air très stressés, ils pêchaient dans ce qui fut leur pelouse et faisainet bombance puisqu'ils avaient égorgé toutes leurs poules avant qu'elles ne se noient. Comme il fallait bien surveiller le niveaude l'eau, on en profitait pour boire toute la nuit et c'était un bon prétexte pour ne pas trop travailler. De toutes façons, le fleuve allait redescendre et tout redeviendrait comme avant. C'est effectivement le cas, sauf que la disette menace en saison sèche puisqu'une quantité incroyable de rizières a été submergée. Mais ça on verra plus tard.


Autre nouvelle: une bombe a explosé au temple le plus populaire de la ville: le WatSimuang vendredi dernier. C'était le jour d'une cérémonie bouddhiste, une des plus importante, la retraite des moines qui se cloîtrent début septembre jusqu'à la fin de la saison des pluies. Une bombe dans un Wat, ce n'est pas très logique et on ne sait pas grand chose, si ce n'estque l'un des suspects a été apréhendé. "Seulement" deux enfants blessés alors que des centaines de personnes assistaient à la cérémonie: la force du Wat Simuang a encore opéré et fait les miracles qu'on attendait de lui.
Il n'y a pas de raisons de paniquer, l'incident semble être assez unique, sans doute une erreur, parce qu'on ne bombe pas des cérémonies bouddhistes dans les temples.


Enfin, la petite chose roseâtre et braillante que j'ai mise au monde en 1996 et que son père appelait Petit Goret est entrée en CP, traduisez première primaire. Elle en profite pour nous faire une crise existentielle dans les grandes largeurs, cette pré-crise de pré-adolescence décrite dans les bons livres de pédo-psychologie. Rendez-vous compte, après une semaine d'école, elle ne sait même pas lire et donc elle est nulle et par conséquent on ne l'aime pas. CQFD. De toutes façons, la grande école c'est difficile, d'ailleurs Papa il a raté, il me l'a dit (pas celle-là de grande école, pépétte ... de toutes façons s'il a raté c'est parce qu'il faisait rien qu'à faire du théâtre de toutes façons, on appelle ça une passion et puis Maman elle a réussi, elle, alors c'est pas si compliqué. Oui, peut-être, mais je suis nulle). Il faut dire que bille en tête le premier jour il fallait reconnaître le prénoms des 22 élèves de la classe. Le petit Jack, qui se fait battre par ses parents quand il rate, a eu 22 points, preuve que le gamin sait lire en fait et ça fout les boules aux autres surtout à Sanam. En plus, dans les 22, il y a des Phetparisouhk, des Bounvatsannah, des Dannivanh et des Thidalath et aussi des Vithida. On peut pas vraiment lui en vouloir à la gosse de pas arriver à déchiffrer Phetparisouhk ... Il devrait être interdit de CP, Phetparisouhk, il a qu'à redoubler sa maternelle d'abord avec un prénom pareil, sans blague.
Enfin, pour courronner le tout, elle était aller chercher un cahier d'exercices avec son père en mobylette (Samedi matin 8h: "faut qu'on s'entraîne hein Maman, parce que tu m'as pas fait travailler pendant les vacances et maintenant je suis nulle...") et elle n'a rien trouvé de mieux à faire que d'aller se coincer le pieds dans les roues de la Honda Dream. Total de l'opération, trois doigts de pieds en sang et un ongle d'orteil en moins (ça piiiique et ça fait maaaaal, j'en ai marre j'ai tout le temps des bobooooos, je suis nulle même à motooooo).
Hum.
Pas la forme quoi.

Allez je vous embrasse, je suis assez crevée en fait, les séances de pansement prenant avec ma douilette de fille des allures de combat de boxe poids plume contre poids lourd, et le poids lourd c'est elle.

A bientôt, OK?

Maryam & co

PS. J'ai paumé ma liste de distribution alors j'ai repris toutes les adresses. si j'ai oublié quelqu'un vous fw et vous m'en voulez pas hein. Je pense à vous.
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07 octobre 2005

les Zénervés 10: Tous Les Papas

Cette chronique est dédiée à tous les papas du début du XXIème siècle Pour distinguer les papas du début du XXIème siècle des papas de la fin du XXème siècle, le plus simple est de les lâcher au super-marché. Les papas du début du XXIème siècle se dirigeront en premier et sans hésiter vers le rayon des langes et des lingettes, rayon qu'ils trouveront d'ailleurs du premier coup, sauf si le magasinier a changé les articles de place (ce qui fera râler le papa du XXIème siècle, comme n'importe quel autre papa).
Le papa du XXIème siècle est donc un papa qui non seulement sait changer un lange même avec du caca (ce que le papa du XXème siècle savait déjà faire), mais il sait aussi se repérer sans boussole dans un Delhaize en évitant le rayon vin au profit du rayon Pampers-Huggies-Produit Blanc, articles dont il a par ailleurs et à d'autres occasions déjà longuement comparé les prix.
Le papa du XXIème siècle s'inquiète aussi de la réserve de lait et de yaourts préférés et achète avec discernement des coquillettes à accomoder au jambon-beurre en lieu et place des pâtes à l'encre de seiche à accompagner d'une sauce aux truffes et d'un Pouilly.
J' ai lu quelque part qu'on exigeait de   l'homme libéré des années 2000 de faire exactement ce que faisait la femme aliénée des années 50. Ca devait être dans un magazine féminin à la con parce que c'est une stupidité.
Je désire honorer tous les hommes libérés de l'an 2000, qui ne sont autres que les papas du XXIème siècle. Leurs enfants sauront leur prouver que leur combat n'était pas vain.
Cette chronique n'est pas dédiée au racisme C'est avec naïveté que je découvre encore à mon âge que le racisme participe de la nature humaine. Je désirais me rendre aujourd'hui au cours d'aérobic collectif sur les quais du Mékong (un truc inspiré de la gymnastique  publique chinoise  pratiquée dans les parcs dès potron-minet mais en beaucoup plus dynamique et le soir) quand Chang décida de faire la grève sur le tas. Ce ne serait pas drôle si les sautes d'humeur de Chang ne s'exprimaient que dans le secret de notre garage. Non content d'être légèrement dépressif, Chang est aussi vicelard. Quand il décide de se payer une crise d'autisme, c'est après la nuit tombée, au milieu d'un des carrefour s les plus fréquentés de la ville. J'ai attendu pendant une demie heure et demandé à une bonne douzaine de personnes de bien vouloir m'aider à pousser mon destrier jaune hors du chemin. Ils se sont tous bien marrés et ont passé leur chemin, hilares. J'ai bien cru que j'allais devoir laisser la bagnole là quand une voiture d'Handicap International avec deux belges dedans s'est enfin arrêtée pour m'aider...
Je suis revenue à pieds, furibarde et en passant j'ai lancé un "merci beaucoup" tonitruant aux propriétaires du magasin de brols devant lequel j'étais en panne et qui à défaut de lever le petit doigt pour m'aider ont haussé les épaules quand je leur ai demandé assistance. La boutiquière a soigneusement évité de me regarder dans les yeux, j'espère qu'elle avait un peu honte.
Ce n'est pas la première fois que ça nous arrive et on n'est pas les seuls. J'avoue que j'ai cédé à un élan de racisme primaire en rentrant et j'ai dû dire des choses du style "c'est pas étonnant qu'ils soient sous-développés à ce point là s'ils ne sont pas fichus de faire preuve d'un peu plus de solidarité" et "ils mériteraient qu'on prenne tous nos cliques et nos claques et qu'on rentre chez nous en les laissant se démerder, on verrait comment ils tiennent debout sans l'aide étrangère qui fait 80% de leurs budgets"... Oui, je l'ai dit et d'ailleurs je suis tellement hors de moi que je le pense encore. Et je vais vous avouer le secret de mon coeur: ça fait un bien fou ...
Les théories s'affrontent. Jean-Philippe prétend que c'est une indifférence caractéristique de la vie urbaine. Je dis moi que Vientiane, organisée en petits villages avec chacun son chef et où les zébus cabriolent aux portes des maisons ne peut pas vraiment être qualifiée d'urbaine. Peut-être est-ce le résultat de la présence d'expats friqués dans un pays où les salaires moyens ne permettent même pas aux Laos de manger. Mais l'autre jour, au milieu du carrefour Ton Kon Kham, c'est un couple de petits vieux tout ce qu'il y a de Laos qui étaient en panne et madame, qui ne savait pas conduire poussait vainement une voiture beaucoup trop lourde pour elle tandis que monsieur tenait le volant. Donc ce n'est pas de la jalousie ni du racisme. C'est le Bouddhisme et cette histoire de Karma, dont le message est "Souffre dans cette vie-ci ou je te réincarne en mouche à merde". Encore plus subtil: "Si tu veux rendre service à ton voisin, laisse-le souffrir sinon je le reincarne en mouche à merde". C'est pour ça que tous les médecins étrangers qui bossent ici s'étonnent du manque de compassion envers les malades dans les hôpitaux.
De manière évidente la dame du magasin de brols n'avait pas envie que je me réincarne en mouche à merde. C'est pour ça que les trois mecs qui trainaient là (genre son mari et ses deux fils) sont allés se cacher dans l'arrière-boutique quand je suis revenue pour la deuxième fois leur demander de l'aide. Le type de l'atelier de meubles   juste à côté n'avait pas non plus du tout envie que je me reincarne en mouche à merde. C'est pour ça qu'il continuait obstinément d'enfoncer des clous dans un fauteuil imitation empire d'inspiration thaïe. Les deux types dans la 4x4 juste derrière moi n'avaient pas non plus envie que je me réincarne en mouche à merde puisqu'ils ont préféré faire une série de manoeuvres compliquées pour me contourner plutôt que de sortir de leur air conditionné pour pousser . De même les deux ou trois conducteurs de tuk-tuk qui ont changé de vitesse en rigolant n'avaient pas non plus envie que je ne réincarne en mouche à merde. Ils en avaient si peu envie qu'ils ont même renoncé à un gain financier non négligeable puisqu'une fois la voiture poussée sur le bas-côté ils auraient pu me ramener chez moi et empocher le prix d'une course (avec pourboire). Quelle abnégation tout de même !!!
Tiens ça me fait du bien de vous écrire, je m'apperçois, en analysant la chose, que tous ces braves gens ne voulaient que mon bien et qu'ils ont dû être bien déçus de voir deux falangs débarquer et sortir de leur voiture pour m'aider: tous ces efforts, toute cette pitié, toute cette compassion, toute cette abnégation pour rien ! Gachée par deux longs-nezs qui ne savent pas ce que c'est que de se réincarner en mouche à merde. Tout bien réfléchi je vais écrire un petit mail d'injures à ces deux crétins d'Handicap: de quoi je me mêle? !? Ah ! Ces expats quand même ... si hautains, si indifférents à ce qui les entoure: qu'est-ce que je leur avais fait pour qu'ils me veuillent du mal au point de me sortir de la mouise aussi rapidement et aussi gentiment, et risquer que je me réincarne en mouche à merde? Pourquoi tant de haine ? Je ne comprends pas ...
Cette chronique est dédiée aux Africains Ca tombait mal cette histoire de bagnole parce qu'on rentrait tout juste de Phnom Penh où j'ai croisé des Africains qui assistaient en même temps que moi à la réunion annuelle de SIGN (Safe Injection Global Network ou comment éviter de risquer de mourir en se soignant ou en soignant les autres. Tout un problème). Je dois avouer que j'ai recherché leur compagnie à toutes les pauses-café et à tous les repas. C'était rafraîchissant de les entendre blaguer et rire, de se faire tutoyer d'emblée, de se faire taper sur l'épaule en se faisant appeler l "la soeur" ou "la mère". C'était relaxant de ne pas devoir se retenir, de ne pas devoir baisser les yeux, se tenir bien droite, de ne pas s'empêcher d'éclater de rire (ou alors avec le main devant la bouche), de parler fort et beaucoup, avec les mains, voire tout le corps et dire ce qu'on pense. C'était agréable de traîner après le café pour parler de choses et d'autres, un choc de les entendre parler d'eux-même et de la couleur de leur peau avec dérision et humour, un bonheur d'oublier quelques instants cette retenue et ce sourire poli si caractéristiques des peuples d'Indochine et qui aujourd'hui en particulier, je vous le dis tout net, me gonfle à mort.
Ca me passera et je vous promets de revenir à de meilleures disposition pour les Pays des Mille Elephants quand la voiture sera réparée.
En attendant, un souvenir ému, celui d'Emmanuel , ingénieur logisticien Nigérian en poste pour l'OMS au Kenya, un gros bonhomme en boubou vert porteur d'une thèse de doctorat, qui raconte comment il a failli créer plusieurs accidents dans Phnom Penh rien qu'en traversant la rue et qu'il ne trouve pas les femmes asiatiques   minces mais plutôt en état de malnutrition chronique. Après une partie de franche rigolade où je lui expliquais les moeurs en vigueur en Asie du Sud-Est (ne pas toucher la tête des gens, ne pas montrer la plante des pieds, donner l'argent à deux mains, ne pas crier ni s'énerver, ne pas se faire des papouilles en public et qu'il n'avait aucune chance d'être servi s'il s'adressait à la serveuse en pointant l'index vers elle et en lui disant "Eh Sissi , tu m'aportes une tasse de café là ou tu te moques de moi?,) il a conclu philosophiquement: "Eh la Maman (c'est moi), si un jour à l'OMS au Laos vous avez besoin d'un logisticien, rappelle-toi qu'il y a au Kenya un certain Emmanuel Taylor et qu'il n'est pas du tout intéressé par ce poste".
C'est noté. Cette chronique n'est pas dédiée aux Khmers Rouges ni à l'économie de marché Parce qu'ils ont les uns et l'autre créé à Phnom Penh (et certainement dans le reste du Cambodge) une misère à fleur de ville, une mendicité tenace, des éclopés des membre et de la vie.
Ne me demandez pas par quoi je voudrais remplacer l'économie de marché ni ce qu'il adviendra du Cambodge quand Sihanouk ne sera plus là. Je ne suis pas assez savante pour ça.
Mise à part la mendicité (si tant est-il qu'il soit possible de mettre la misère à part), Phnom Penh est une belle ville, bien entretenue, bien reconstruite, où la trace de l'histoire tragique du Cambodge s'efface au profit d'un nouveau faste (Palais Royal illuminé le soir pour quelque invité d'honneur) et de la vie qui reprend ses droits (comme ce militaire démobilisé, maintenant chauffeur de moto-taxi souriant et serviable).Evidemment, si on veut manger sur un des bateaux illuminés accostés sur les rives du Tonlé Sap (je ne l'ai pas fait mais une collègue un peu prout prout a essayé), il faut supporter d'être entourée d'une armée de jeunes femmes-sandwich habillées du costume traditionnel khmer et portant sur l'écharpe qui ceint leur sein (waoh!) un slogan publicitaire pour du vin, des cigarettes ou de la bière. Elles s'arrachent les nattes pour être au premier rang et vous empêchent littéralement de respirer: elles ne sont sans doutes payées qu'à la commission et font vivre 12 personnes du fruit de leur activité nocturne de pancarte publicitaire. Un régal.
Cette chronique est dédiée aux globe-trotters courageux qui ont décidé de nous rendre visite dans notre maison les pieds dans l'eau
J'ajoute dorénavant à ma chronique le calendrier d'occupation de la maison puisqu'il semblerait que vous ayez déjà des difficultés à réserver vos billets pour des périodes où il y aurait un matelas disponible ...
Liliane 15-30 Janvier Gilles et Suzon Quelque part entre le 31 Janvier et le 20 Février Sophia, Philippe et Emna 20 Février-9 Mars Alex, Thierry, Sacha et Robin2-16 Mars (avec un séjour chez les indigènes?) Eric, Hee Sun et Yumi ?   Bulletin et prévisions météorologiques: La température commence à se rafraîchir Il fera "caillant" (minimas de 13-15 degrés !) en Novembre-Décembre Frais matin et soir et chaud en journée en Janvier et Février Les chaleurs commencent en Mars (mais rien de comparable à Avril En Avril il fait hon laiï laï ainsi qu'en Mai, Juin Juillet-Aout-Septembre, il pleut comme vache qui pisse et on rentre en Belgique Et c'est reparti pour un tour Vous êtes les bienvenus, nous vous attendons avec impatience Je vous embrasse Maryam



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