Les enerves au pays du Zen
Les Zénérvés au Pays du Zen 1 : Apprendre a observer les semelles des chaussures
Voici la lecon numero 1 du webcours intitule 'Comment s'adapter en Asie en general et au en particulier' dispense par l'Academie des Enerves au Pays du Zen - Session 2002
Comme vous le savez sans doutes tous et toutes, nous venons d'acquerir le droit d'habiter une maison. Nous en avons paye le loyer d'avance, avons signe tous les papiers qu'on nous avait demande, y compris ceux qui etaient decores d'une multitude de vermicelles enroulees sur elle-meme, tels de vigoureux vers solitaires en train de se debattre dans un bain d'anthelmintiques. Les mauvaises langues nous diront que la maison est close et les clefs aux mains de la femme de menage, ladite femme de menage ayant decide de prendre une semaine sabbatique sans informer quiconque de son lieu de residence principal ni meme secondaire. Ne les ecoutez pas, ils affabulent. Dans une maison Lao, on enleve ses chaussures. Selon les bons conseils de l'Oncle E (1962-?), le raseur bien connu qui parcourut les routes d'Orient pour y rencontrer l'amour (il se reconnaitra parmi vous), il faut prendre l'habitude de se chausser de chaussures qui ne ferment pas, ou peu, pour ne pas se retrouver a etre encore en train de les enlever quand l'assemblee a fini de manger son lap et s'est deja fourree au lit. L'Oncle E est de bon conseil, nous l'ecoutons toujours. Nous avons donc decide de decorer l'entree de notre future maison de claquettes de toutes tailles, permettant a nous meme et aux visiteurs de circuler alentours sans devoir lacer les caterpillars. J'ai vendu la sortie au Talat Tsao (marche du matin) a ma progeniture en lui promettant qu'elle pourrait choisir la couleur de toutes les claquettes et en particulier des siennes, qui seraient forcement roses. Nous allames donc, choisimes et revimes. Husband (j'adore l'appeler comme ca depuis qu'apres 12 ans d'amour intense et presque autant de vie commune, je lui demandais sa main pour ne pas devoir payer son billet d'avion jusqu'ici), Husband donc et l'autre moitie de ma luxuriante progeniture faisaient la sieste. Nous deballames febrilement nos achats, en particulier la paire de choses en plastique particulierement nunuches choisies par Sanam pour Leila avec une attention fraternelle. Nous en chaussames Leila (qui adore deja se chausser, c'est de famille, elle tient ca de ma moman dont la collection de godasses achetees en solde feraient palir Lady Di meme ou elle se trouve aujourd'hui). Leila voulut s'essayer a la marche avec ses nouveaux joyaux. Nous la mimes donc par terre (je fais durer le suspens, admirez mon talent) ... et entendimes: poueet. Leila nous regarda interloquee et fit un pas.
Poueet.
Puis deux pas. Poueet poueet.
Elle regarda derriere elle pour voir pourquoi son canard en plastique avait quitte le bord de la baignoire pour venir l'enquiquiner au saut du lit. Mais de canard en plastique, point. Elle se dit que ca devait etre les vapeurs du sommeil vesperal qui l'engourdissaient ainsi et fit 5 pas d'affilee.
Poueet poueet poueet poueet poueet.
En meme temps on m'entendait proferer un Merde, ce qui est un tres mauvais exemple a donner pendant que JP ricannait betement, ce qui ne vaut guere mieux. C'est la que nous perdimes la partie, car apres avoir fait quelques cercles concentriques dans la piaule pour verifier qu'elle n'avait pas reve, Leila s'arreta et nous regarda encore mais cette fois avec une expression indescriptible, melange d'emerveillement, de ravissement et de gratitude. Depuis, nous savons toujours ou elle se trouve, du moment qu'elle est en mouvement. Et elle s'amuse aussi parfois a nous jouer un petit air de sa composition, l'avantage etant que la choregraphie est comprise dans le prix du spectacle
Pour eviter de vous procurer par erreur ces savates lors de votre prochain voyage dans nos contrees exotiques, veillez a verifier le minuscule petit trou qui se trouve a l'arriere des semelles et destine a laisser passer l'air qui permet au Poueet de se deployer avec une amplitude qui, a la longue, je dois bien l'avouer, agace un peu...
Professeur Enervee
Zenologue
PS pour les collegues
d'UCB. Je vous jure qu'a cote, les clap clap de VOTRE
dragon
domestique font l'effet d'un vol de moucheron a la Grand Place a a
minuit le soir du reveillon.
Dream
house
Oyez Oyez Braves Glacons (quoique Le Soir en Ligne d'hier
annoncait un maximum de 13 degres a Bruxelles, ce qui n'est pas mal
pour la saison. Mais je ne sais pas combien il fait dans les Fagnes.
C'est tres perturbant ca, d'allumer la radio le matin et d'entendre
une madame qui parle le francais donner la temperature de Bangkok,
Hanoi ou Singapour mais elle sait meme pas combien il fait dans les
Fagnes ou en Haute Belgique. A mon avis le concept de Haute Belgique
doit lui etre totalement etranger. Il faut dire a sa decharge que
c'est un concept tres abstrait ca, la Haute Belgique ... pour
concevoir ca un stage intensif au service meteo de la RTBF est
obligatoire, parce qu'a part les presentateurs meteo de la RTBF,
personne ne sait que c'est haut, la Belgique) Fin de la Parenthese,
je reprends:
Oyez Oyez Braves Glacons ! Vous avez maitenant
l'immense privilege et le grand honneur d'acceder en ligne a une
serie de photographies artistiquement digitalisees qui vous
permettront de visulaiser avec une acuite jamais egalee a ce jour le
mode de vie des Enerves au Pays du Zen.
Pour rappel, les Enerves
sont une race apparentees aux Homo Sapiens Sapiens (mais pas tout a
fait tel), qui peuplent les regions de l'Europe. Leur habitat
originel s'etendait des steppes d'Asie aux pourtours de la
Mediterranee, mais la quete du Chocolat de qualite, du vin de
Bourgogne et de la biere d'abbaye ainsi que le besoin vital d'une
ecole publique, gratuite et obligatoire, d'une presse libre et d'un
cinema sous-titre (et non double) les a menes a se concentrer en
Europe. Ce qui a pousse les Enerves sedentaires d'Europe du Nord a se
nomadiser aux alentours de la trentaine bien sonnee (pour les adultes
de la horde, s'entend) n'est pas encore tres clair et fait l'objet de
nombreuses etudes realisees par les Enerves nomades eux-memes, ainsi
que par leurs correpondants sedentaires restes au bercail. Il
semblerait que la migration ne soit le resultat ni de la soif ni de
la faim, ni d'autre penurie essentielle. La source de ce mouvement
serait plutot d'origine philosophique et d'autres recherches doivent
encore en determiner les details (a noter que l'Enerve male a sur le
sujet enormement plus d'idees que l'Enervee femelle, mais a sa
decharge l'Enervee femelle passe beaucoup de temps au bureau ce qui
lui laisse un peu moins le loisir de penser a la destinee de sa
horde, a part en termes pecuniers).
Les photos ici presentees
sont un exemple d'habitat temporaire pour une horde d'Enerves
nomades. A noter que la notion du temporaire est etranger aux Enerves
nomades, en particulier a l'Enerve male, qui semble vouloir
s'installer la pour le reste de ses jours. Hier il est meme revenu du
marche avec le projet de convaincre sa femelle d'acheter pour la
veranda une paire de vases imitation Ming d'1m50 de haut, le tout
pour 200 dollars, ce qui est plutot contraire a la notion de
nomadisation. Il faut dire aussi que l'Enerve male passe beaucoup de
son temps a faire du shopping pendant que l'Enervee femelle
travaille. Donc, cet habitat temporaire semi-permanent est au
debut assez inconfortable et peu confome aux normes de vie des
Enerves sedentaires auxquelles est habituee la horde ici citee en
exemple et fraichement nomadisee: moustiques, salle de bains sans
baignoire et sans douche mais avec juste un tuyau et un trou
d'evacuation a l'autre bout de la piece, total la piece est trempee
apres chaque douche et demerde toi pour aller pisser, moustiques,
fenetres qui ferment peu ou mal, moustiques, chauffe-eau qui marchent
mal ou pas du tout sans compter le mariage malheureux de l'eau et de
l'electricite (voir Enerve sautillant blondinet des annees 60-70 qui
s'electrocuta de sinistre maniere a cause de cette combinaison),
moustiques, cuisine sans moustiquaire, moustiques, airco russe dans
la chambre des enfants et ca fait longtemps qu'on a abandonne
l'apprentissage du cyrillique sous pretexte qu'on voulait etre
communistes a 16 ans, moustiques, plancher en bois aux lattes
disjointes, moustiques, etc. moustiques. Neanmoins, grace au shopping
intensif, activite adaptative exercee par l'Enerve male a qui
pourtant on ne connaissait pas ce talent, l'habitat se meuble de
coussins et autre mobilier rendant la veranda de cette maison sur
pilotis un endroit unique au monde.
Il faut aussi dire qu'il y a
le bruit. La nuit. Les crapauds buffles, les lezards (oui, les
lezards font du bruit), les poules, les coqs, les chiens et les zebus
(vous pouvez constater grace a ces photos que si les voisins de
droite sont un autre couple mixte Enerve-Zen tres gentils et
agreables, les voisins de droite, eux, sont des bovides a cornes
pointues qui ont la malheureuse habitude de se rouler dans la boue
comme les rhinoceros et les hippopotames. Les jeunes Enervees adorent
les regarder a travers la barriere et l'Enerve male les accompagne
meme volontiers jusque dans la riziere ou sevissent les monstres
tandis que l'Enervee femelle se tient prudemment a l'ecart.
Dans
notre prochaine chronique des Enerves au Pays du Zen, nous vous
ferons part de nos decouvertes au sujet de la domesticite des Enerves
nomades, a moins qu'un autre ordre du jour plus allechant ne se
presente d'ici la.
On vous embrasse.
Les
Zénervés au Pays du Zen 3: La maison des trois petits
cochons
Nous vous avons laisse baver devant les
photos panoramiques de la splendide maison entouree de flotte dont au
sujet de laquelle la plupart d'entre-vous avez suivi les nombreuses
tractations pour arracher le droit d'en jouir quotidiennement
moyennant loyer, la partie de la negociation concernant la femme de
menage disparue dans la nature avec les clefs n'etant pas la moins
ardue.
Ainsi donc depuis trois semaines nous avons pose
nos sacs a dos et nos caisses dans la maison des trois petits
cochons, ou plutot dans un lieu qui serait le chainon manquant entre
la maison du premier petit cochon (en paille) et celle du deuxieme
petit cochon (en bois). Fermement campes sur des coussins
ultra-confortables ('triangulaires' et 10 dollars piece apres
marchandage, ceci pour la gouverne de l'Oncle E, on t'en ramenera)
disposes dans la veranda, nous attendons le loup de l'histoire avec
determination.
Le gardien de nuit aussi.
Ne vous fiez
pas a son sourire accueillant et a son air gentil. Il arrive a la
maison a 16.30 et son premier souci est de distribuer de la
nourriture aux poissons de notre etang prive (cette activite a
d'ailleurs la particularite d'alimenter l'absurde cycle de mes
angoisses nocturnes car si on nourrit trop ces poissons, ils ne
mangeront plus les larves de moustiques et adieu l'ecran de
protection naturel, mais si on ne les nourrit pas ils vont mourrir,
ce qui produit le meme resultat au niveau des anopheles). Donc apres
avoir eveille en moi une bonne demi-heure de questionnement
existentiel, vraissemblablement lie a mon ignorance au sujet de
l'alimentation des poissons (je me rassure avec un cocktail au jus
d'ananas frais et l'idee que les poissons sont trop betes pour penser
a leur tour de taille, sans compter qu'ils n'ont pas de taille), donc
apres avoir nourri les poissons, il se repose. Lorsqu'il s'agit d'un
gardien de nuit, on ne peut pas vraiment dire qu'il dort, disons
qu'il se detend en ferment les yeux un bref instant (ce que JP fait
aussi tres bien). Attention, ne vous meprenez pas, c'est un excellent
gardien de nuit, il porte bien son nom car une fois la nuit tombee,
il se reveille. Il se coiffe alors de son magnifique passe-montagne
en laine jaune canari orne d'un petit pompon tres seyant sur le
sommet, il jette sur son epaule un gros baton et arpente la propriete
a intervalles reguliers. Recemment d'ailleurs j'ai decouvert que ce
que je prenais pour un baton est en fait une machette. Une vraie, du
meme modele garanti efficace par de recents evenements au Rwanda.
Quant a l'utilite du passe-montagne, c'est un sujet controverse et
les theories s'affrontent: personnellement je pense qu'il desire
ainsi etablir fermement sa superiorite sur d'eventuels rodeurs
peut-etre armes de machette mais demunis de passe-montagne. JP
pretend qu'il a froid et craint les moustiques, ce qui demontre a
nouveau a quel point le fait d'avoir deux chromosomes sexuels
differents rend les hommes pragmatiques. Le plus drole, ca doit etre
pour les voisins (de la categorie Zebus ou humains) qui voient
deambuler toutes les heures au-dessus de notre barriere un
passe-montagne jaune et son pompon ...
Outre le gardien de
nuit, notre nombreuse domesticite comprend un gardien de jour
egalement jardinier (celui-la meme qui debarrassa l'etang de ses
lotus creves et JP d'une scene de menage recurrente a propos des
lotus creves de l'etang dont au sujet desquels, s'il etait un homme
un vrai, il fallait imperativement qu'il fasse quelque chose) et un
gardien de remplacement qui fait du zele en balayant les feuilles
mortes et en les balancant dans le jardin du voisin (humain, pas
zebu, et accessoirement fonctionnaire de l'etat francais employe a
l'ecole Hoffet frequentee par l'ainee des enervees, ce qui ne va pas
faciliter nos rapports).
En outre, nous jouissons des
services quotidiens (samedi compris) de l'admirable Pi U.
Pi
veut dire tante, ce qui denote son age certain (mais pas assez que
pour l'appeler Grand Mere, attention la difference est subtile).
U
(prenoncez Euh en raclant la fin) c'est son nom. Quand on sait que
dans ce pays, les gens s'appellent asez communement Isiensingmay,
Chantalavardy ou Nammanivongmixay, avoir une femme de menage qui
s'appelle U est une benediction.
Grace a Pi U, la vie est
merveilleuse. Pi U fait le marche chaque matin et cuisine
delicieusement le midi et le soir. Econome, elle ne depense pas plus
de 100.000 kips (ou 10 dollars) par semaine pour toute la famille
puisqu'elle achete au prix Lao les aliments frais au marche That
Luang. Sa cuisine est variee et parfumee, Lao, Thai et parfois
occidentale. Il est vrai qu'elle a tendance a abuser du celeri mais
c'est une question que je m'emploie a resoudre des que j'aurai trouve
comment on dit celeri en Lao.
Grace a Pi U, la pile de
linge propre se regenere automatiquement, la maison est nettoyee
quotidiennement, le frigo est rempli et les chats sont nourris.
Pi
U parle trois mots de francais (je ne peux pas en dire autant du lao)
et caline les enfants, sort les poubelles, range la maison, refait
les lits, s'excuse pendant 3/4 d'heure quand le poulet n'est pas
assez tendre et sourit tout le temps.
Le samedi matin
nous allons au marche et cuisinons ensemble, un jour c'est moi un
jour c'est elle. Elle doit certainement me prendre pour une folle
quand elle me voit deglacer mes oignons au vin rouge et rajouter un
trait de creme fraiche pour la sauce du magret de canard (la-dessus
je dois la ligoter pour l'empecher de rajouter de la coriandre
fraiche par dessus au moment de servir, les cuisiniers comprendront)
ou faire degorger les tranches d'aubergines avant de les cuire dans
l'huile d'olives et accompagner tout ca de pommes vapeur sans meme
faire une casserole de riz. Pour se venger, samedi prochain, elle
m'apprend a faire le lap et le cao niao (affaire a a suivre).
Sa
presence n'est genante qu'a un seul egard: elle demolit
systematiquement et a une vitesse totalement deprimante le lent et
laborieux travail que j'ai accompli sur JP depuis douze ans. Il n'est
plus question de compter sur lui pour debarrasser une table ou laver
une vaisselle, encore moins pour refaire un lit ou faire tourner une
machine. En une semaine elle a reussi a defaire ce que j'avais mis
tant d'annees a elaborer grace a une volonte et une tenacite qui
frisent la medaille d'honneur, que meme ma maman elle n'en revenait
pas de le voir passer dans le couloir avec la manne a linge... Depuis
que Pi U est entree dans notre vie, le coussin-matelas du coin de la
veranda prend dangereusement la forme du derriere de JP...lequel
cohabite la avec une araignee a laquelle il laisse la jouissance de
la rambarde pour y tisser sa toile et lui fabriquer ainsi en
contrepartie une moustiquaire naturelle, du moment qu'elle ne deborde
pas sur la page du bouquin qu'il est en train de lire ou dans le
cocktail alcoolise qu'il est en train de siroter.
Enfin
pour terminer ma chronique, je ne resiste pas a l'envie de vous
raconter une anecdote a mourrir de rire et qui n'a rien a voir.
Ce
matin, mon patron m'a deleguee a une reunion a laquelle il ne
desirait pas aller lui-meme. Avec des Japonais. Il faut savoir que le
Japon finance a peu pres la moitie du secteur sante au Laos, les
autres 'donneurs' et ils sont nombreux se partageant l'autre moitie
avec le gouvernement. Ca se situait dans les bureaux de la
Cooperation Internationale Japonaise, soient une annexe de
l'ambassade du Japon et c'etait une reunion de concertation entre
differents partenaires de l'aide internationale au Laos, sur
invitation officielle et prealable. Je suis arrivee en retard et me
precipitant pour rejoindre la reunion, je me suis fait arreter par la
receptionniste qui m'a montre un casier a chaussures, du genre de
ceux qu'on trouve au rayon jeux des Quicks et des MacDonalds. Elle
m'a intime l'ordre d'enlever mes chaussures et de chausser de
splendides pantouffles en tissu d'un gris perle tres elegant, du
genre de ces pantouffles qu'on met pour sortir de son lit, assorties
a son peignoir. Je me suis ainsi retrouvee assise a la table de
reunion entre le premier secretaire de l'ambassade de Suede et le
representant de l'ambassade des Philippines, tous deux egalement en
pantouffles. Verification faite, la cooperation allemande, le premier
secretaire de l'ambassade des Etas-Unis, la deleguee de la
cooperation Australienne, le representant de la Banque Mondiale, la
chargee des affaires de cooperation de l'ambassade de Thailande et
les representants de Singapour et de Malaisie etaient egalement en
pantouffles.
Tous les lundis midis, nous avons une
reunion de staff. Lundi prochain je compte proposer a l'OMS d'adopter
la coutume, sauf que je me charge d'aller avec Sanam au Talat Sao
choisir le stock de pantouffles ...
Mahosot
& Methaphab
Mon admirable Pi U vient encore de sévir,
avec l'une de ses préparations délicieusement parfumées
que je serais bien en peine de nommer mais dont je me régale à
m'en faire éclater la panse.
D'accord, le JP avait failli
à tous ses devoirs et oublié de mettre de la bière
au frais, je n'ai donc pas eu droit à cette détente
tant méritée après laquelle je languissais
depuis 14 heures, vu la matinée que je venais de m'appuyer.
Mais je me sens déjà beaucoup mieux grâce à
ce subtil mélange de coriandre, de lait de coco et de piment
qu'elle avait mis dans sa sauce ( elle a momentanément
abandonné l'usage du céléri, je la laisse donc à
ses variations)
Je vous préviens, la chronique ici
présente ne va pas être très drôle. ce
serait plutôt un constat d'impuissance et si je me mets à
mon clavier, c'est un peu pour évacuer ce goût bizarre
que j'ai dans la bouche.
En effet, aujourd'hui, lasse de
m'entretenir la sciatique sur les sièges inconfortables de
l'une de ces réunions en pantouffles dont il semble que le
pays soit friand, j'avais décidé de faire du terrain et
laissé à Phengdy, la responsable des soins infirmiers
au département de médecine curative du ministère
de la santé le soin de m'organiser la tournée des
grands ducs.
J'aime bien Phengdy. C'est une vieille infirmière
qui travaillait avant à l'école d'infirmières et
qui a formé à peu près trois ou quatre
générations de travailleuses de la santé avant
d'être nommée au ministère à un poste que
tout le monde considère comme un sous-poste mais dont le
sacerdoce quotidien la passionne. Avec moi, elle a trouvé à
qui parler, puisque je l'ai abordée en lui assénant que
je considérais les infirmières bien plus importantes
que les médecins dans un pays comme celui-ci avec les
structures de santé telles qu'elles sont. Ca lui a plu et
depuis on est copines. Comme la première semaine de ma prise
de fonction, mon boss me trainait à toutes sortes de réunions
et autres cérémonies d'ouverture et de clôture de
séminaires divers et variés, je l'ai croisée
plusieurs fois et à chaque fois elle m'a pris le coude pour
m'isoler dans un coin et me supplier de l'aider à faire
quelque chose avec les infirmières de ce pays qui ont tant
besoin de soutien. D'autre part, je suis responsable du suivi de tout
le programme d'utilisation rationnelle des médicaments et
notemment des antibiotiques, par extension du contrôle des
infections et par dérivation de l'assurance qualité des
soins infirmiers, sachant que l'assurance qualité des soins
infirmiers dans ce pays sous-entend se laver les mains avant de
toucher un patient et nettoyer par terre (les professionnels de cette
liste de distribution souriront, moi je ne trouve pas ça
drôle). Je ne sais pas très bien comment je suis arrivée
à m'occuper de ça. Sans doutes parce qu'il ya tout un
tas de spécialistes assis quelque part au bureau régional
de Manille qui ont des sous à dépenser dans un
programme qui s'appelle comme ca et qu'ils n'ont personne sur le
terrain pour les aider à liquider leur matelas de dollars et
que moi, la supplique de Phengdy m'ayant été droit au
coeur et aussi en souvenir d'une ou deux copines infirmières
restées sous le crachin belge, je me suis sentie investie
d'une mission sacrée et j'ai répondu présent à
l'appel des spécialistes de Manille.
Voilà,
entre autres choses, je m'occupe de l'assurance qualité des
soins infirmiers (prononcez QA) et j'en suis fière.
En
cette qualité, je suis allée visiter aujourd'hui les
deux services modèles où une procédure QA a été
implémentée, l'un à l'hôpital Mahosotet
l'autre à l'hôpital Methaphab.
Mahosot,
j'avais déjà visité et l'une ou l'autre d'entre
vous ont déjà eu droit à la description
apocalyptique du service de maternité. Mahosot date de 1912,
ce sont les français qui l'ont construit et si on n'y fait pas
gaffe, on se croirait à Brugmann: un vieil hôpital tout
en pavillons. Sauf qu'à Brugmann, on ne voit pas la famille de
2 ou 3 adultes et 4 ou 5 gosses par patient hospitalisé camper
sur la pelouse roussie avec le panier de riz gluant et les papayes
vertes, occupés à faire la popotte pour le pauvre
bougre qui se tord dans son lit. La nourriture en effet n'est pas
comprise dans le prix, ni d'ailleurs les soins infirmiers dits de
base ou "bedside", autrement dit pour l'urinal ou la panne,
comme pour changer de position de la fesse gauche à la fesse
droite ou gerber dans le reiniforme (quand il y a des reiniformes),
y'a intérêt à avoir de la parentèle prête
à se sacrifier pour glander là.
Les infirmières
de Mahosot, puisque c'est d'elles dont il s'agit ici, n'ont pas
changé de look depuis 1912, elles ont toujours la même
coiffe et le même niveau de connaissances, tout au plus leurs
jupes se sont-elles raccourcies de 5 ou 10 cm (on est au Laos, pas
oublier).
Le service modèle de Mahosot, celui que
Phengdy a choisi pour commencer le QA, c'est le quartier opératoire
et la salle de réveil. Le programme de QA (rappel: se laver
les mains et nettoyer par terre) a commencé lundi dernier.
Faut-il entendre par là qu'avant lundi dernier les infirmières
du quartier opératoire de Mahosot ne se lavaient pas les
mains? La réponse est oui. Faut-il entendre par là que
depuis lundi dernier les infirmières du quartier opératoire
de Mahosot se lavent les mains? La réponse est non. Dans le
vestaire où un très joli poster en couleurs explique la
procédure du lavage de mains ordinaire, il y a bien un évier,
mais pas d'eau. Au bloc 1 où un autre très joli poster
explique la procédure du lavage de mains chirurgical, il ya
aussi un évier (large, profond, grand robinet manoeuvrable au
genou), mais il n'y a pas d'eau. Ne déprimez pas, au bloc 2,
il n'y a pas de poster mais il ya de l'eau, seulement pour sortir de
la salle de lavage, il faut ouvrir la porte et la porte a une poignée
tout ce qu'il y a de plus normale, du genre qu'il faut tourner avec
... la main. Bon c'est déjà ça, on va faire avec
ce qu'on a. Comme les infirmières de Mahosot ont assisté
le mois dernier à un séminaire sur le lavage des mains
dispensé par deux infirmières singapouraises payées
chacune 1000 dollars par jour (évidemment, le séminaire
en question avait un nom beaucoup plus glamour que "Lavage de
Mains"), elles ont organisé des workshops pour convoyer
l'information reçue à leurs collègues de
travail. Résultat des courses, les chirurgiens qui, comme on
le sait, sont beaucoup plus intelligents que n'importe quel autre
être humain, ont acccueilli la chose avec une moue de dédain
genre 'on vous l'avais bien dit qu'il fallait se laver les mains'. En
revanche les anesthésistes ont fait les indifférents et
ne voient pas du tout en vertu de quoi ils devraient se laver les
mains puisqu'ils ne touchent pas le patient (enfin, presque
pas).
Naivement, j'ai posé la question de savoir où
en était l'application du nettoyage de sol. On m'a répondu
qu'on était en train d'écrire la procédure.
Détail
non négligeable: Mahosot, c'est l'hôpital universitaire
de Vientiane, le plus gros centre hospitalier du pays.
Bon
qu'à cela ne tienne, avalant enfin notre salive (jusque là
j'avais respiré par la bouche rapport à l'odeur parce
que bon quand y'a pas d'eau ...), nous reprîmes la voiture pour
aller voir Methaphab.
Methaphab, mettons les choses tout de
suite au point, c'est le second hôpital universitaire de
Vientiane et le centre de référence pour la
traumatologie et la neurochirurgie (avec tous ces jeunes qui font de
la moto sans casque ...). Mathaphab a été construit par
les Russes, en lao son nom signifie Amitié, en souvenir de
l'amitié lao-russe. On n'y trouve pas le charme surrané
style Hotel-Dieu qui règne à Mahosot. C'est beaucoup
plus technologique, et d'ailleurs les infirmières n'ont pas de
coiffe. En revanche, on trouve des choses amusantes comme des
couloirs gris sans fin avec des portes sur lesquelles sont clouées
des plaques écrites en cyrillique. Le service modèle de
QA, c'est l'unité de soins intensifs. Allez j'abrège,
là non plus il n'y avait pas d'eau.
Pour me faire
plaisir, on m'a emmenée voir le bloc. Le vieux, tout décati
mais aussi le nouveau, tout joli, résultat de l'amitié
lao-sud coréenne. Vieux ou neuf, russe ou sud-coréen,
rien n'y change, c'est quand même le même charriot unique
qui emmene le linge sale et ramène le linge propre ...
La
semaine prochaine, Phengdy m'a promis la visite de Sethathirat,
l'hôpital tout neuf construit par les Japonais. Espérons
que la visite va me remonter le moral.
Conclusion, à
un niveau strictement personnel, je suis contente d'avoir des sous et
à un niveau plus professionel, je suis aussi contente d'avoir
des sous, encore que ces sous là, ce soir, je ne sais pas très
bien par où je vais bien pouvoir commencer à les
dépenser ...
Thaïlande,
pays de cocagne ou Disneyland racheté par un opérateur
de mobiles.
Suite aux nombreuses demandes à moi
adressées par l'intermédiaire de la toile électronique
qui s'est tissée ces 5 dernières années à
une vitesse hallucinante à la surface de notre bonne vieille
boule bleue, je reprends ci-devant ma chronique irrégulière
et néanmoins abondante relatant par le menu les diverses
expériences de la horde des énervés au pays du
Zen.
Si le cinquième épisode de nos tribulations à
la surface de l'étang aux lotus sur lequel est sis notre
chaumière, ainsi que dans les rues avoisinantes et les pays
limitrophes, a pris un peu de retard par rapport au rythme auquel je
vous avais accoutumés, c'est que d'une part une certaine
habitude s'installe dans notre quotidien, ce qui prouve que la vie a
partout cette particularité de confiner à la routine
lorsque l'humain apprivoise son environnement immédiat et même
un peu au-delà; et d'autre part j'étais un peu occuppée
à regarder les infirmières de Mahosot et de Methaphab
se battre avec leurs robinets taris.
Entre quelques cours
d'hygiène de base, j'ai aussi mangé des suchis au Lao
Plaza. Les suchis en question n'étaient pas aussi bons que
ceux que fabrique délicieusement la meilleure moitié de
l'Oncle E, celle-là même qu'il a dénichée
quelque part dans la région où nous sommes exilés,
que l'Eternel bénisse jusqu'à la racine de son
abondante chevelure puisqu'outre le fait qu'elle est très
sympathique, elle illumine la vie du sus-dit Oncle E et en plus a
réussi à fabriquer une moufflette très rigolotte
qu'on aime beaucoup et qui est la meilleure-amie-pour-toujours de
notre moufflette à nous (rigolotte aussi par ailleurs). Le Lao
Plaza quant à lui est le deux ou troisième meilleur
hôtel de la ville, climatisé, service impeccable, très
cher, pourvu d'une salle de conférence aux dimensions
hall-de-gare permettant d'organiser les grandes réunions des
gentils donneurs étrangers que nous sommes. Ainsi donc, dans
ce cadre merveilleux et néanmoins légèrement
tartignolle, j'ai mangé des suchis et beaucoup de pastèque,
comme à mon habitude, pendant les pauses cafés d'une
réunion organisée par les japonais, encore eux (d'où
les suchis). Rien de bien étrange à cela, si ce n'est
qu'entre les collations, on parlait de choses aussi divertissantes
que le retard staturo-pondéral chez les enfants zen,
s'étonnant dans la foulée que contrairement aux enfants
indiens, les zens ne récupèrent pas vers l'âge de
2-3 ans, quand ils commencent à manger comme les grands, ceci
parce que les meilleurs morceaux sont réservés aux
hommes et que les femmes et les enfants passent derrière, même
les petits garçons. Après quoi, re-pause pour boire le
café et manger de délicieux feuilletés à
la noix-de-coco. Une fois calés et réchauffés
par le breuvage bien chaud (c'est que, encore une fois, j'avais
oublié ces fichues clim' qui fonctionnent à fond et
omis de prendre un gros pull), la réunion reprend pour parler
cette fois de cette mauvaise habitude qu'ont certaines éthnies
du nord et du sud de ne pas mettre les enfants au sein dès la
naissance mais de leur donner du riz gluant prémaché et
de l'eau sucrée. Le collostrum quant à lui est exprimé
et jeté tandis que la jeune accouchée n'a pas le droit
de se coucher pendant 3 jours: elle doit rester 72 heures durant
debout ou accroupie dans une cabane au fond du jardin. Je n'ai pas
compris le but du jeu, mais l'exposé avait ouvert l'appétit
de l'assemblée et nous sommes tous allés chercher nos
petits tickets pour avoir le droit de manger de la lasagne et du
boeuf strogonoff au restaurant du rez-de-chaussée. Je vous
passe les détails de l'après-midi et de la journée
du lendemain mais cette grand-messe devrait permettre à tout
le monde d'y voir plus clair dans la situation générale
et de débloquer les fonds pour changer la face du monde. Je ne
sais pas très bien si ça va fonctionner mais en
attendant, je peux affirmer que le cuisiner du Lao Plaza est
excellent et qu'il s'entend à merveille pour varier les en-cas
et les goûters de façon à ce que personne ne
quitte les lieux dégoûté et chagrin, mais qu'au
contraire tout un chacun reste attentif au propos des orateurs en
attendant la prochaine pause.
Voilà, j'étais
donc très occupée sur le plan professionnel.
Sur
un plan plus familial, j'ai constaté encore une fois que
certains conseils de l'Oncle E, que la paix règne toujours sur
son âme généreuse ainsi que sur celle de sa
famille, y compris sa progéniture rigolotte, méritaient
d'être mieux écoutés, or nous l'écoutons
déjà beaucoup. Ainsi donc je n'avais pas pris la
précaution de vacciner ma petite famille contre l'encéphalite
japonaise, maladie relativement grave et parfois mortelle transmise
par piqure de moustiques dont au sujet desquels vous savez que nous
sommes largement pourvus. Les brochures d'information pour voyageurs
aventureux précisent toujours que le vaccin est nécessaire
en cas de séjour de plus d'un mois en zone rurale. Or je
croyais aller habiter en ville, mais comme vous avez pu le voir
d'après les photos de notre sympathique voisin bovidé,
on ne peut pas dire que Vientiane soit en ville. Par ailleurs, les
dernières informations en provenance des laboratoires
vétérinaires de notre charmante bourgade campagnarde
nous disent qu'un à 2 chiens par semaine ont un diagnostic
post-mortem de rage, et ces statistiques ne tiennent pas compte de
tous les meilleuzamisdel'homme qui n'arrivent jamais jusqu'à
la morgue mais qui sont enterrés quelque part à la hâte
après avoir été lapidés. Prenant donc mon
courage à deux mains, je décidais de faire vacciner la
tribu contre ces deux affections mortelles et par la même
occasion, leur administrer un vaccin contre la tuberculose, vaccin
qui n'est plus en vigueur en Belgique mais qu'en vertu d'un procédure
tres Française, l'Ecole Hoffet exige pour les enfants.
Pour
ce faire, comme il nous est abondemment conseillé par ici,
nous sommes allés en Thaïlande.
Pour ceux qui
n'auraient pas les connaissances encyclopédiques de l'Oncle E,
que l'Eternel fasse qu'il soit toujours fourni en électricité,
en eau chaude et en massage pour les pieds, la Thaïlande est à
un jet de sputum. De chez nous, il faut prendre le tuk-tuk (sorte de
tricycle à moteur avec banquette arrière et toit, en
Inde on appellerait ça rikshaw) pour sip ha kips ou le taxi
pour ha sip kips (conversion monétaire voir ci-dessous) et
faire une vingtaine de kilomètres au Laos jusqu'au Pont de
l'Amitié, ainsi nommé en raison de l'amitié
Lao-Thai (comme vous pouvez le constater, le Laos a beaucoup de
copains). La frontière Lao se passe d'un côté du
pont. Le pont lui-même est une zone franche avec un duty-free
shop qui se vante de posséder les meilleurs vins d'Asie.
Methaphab Bridge se franchit en shuttle bus. A mi-parcours, le bus
change de sens, car en Thailande on roule à l'envers à
l'instar du Common Wealth. De l'autre côté du pont, on
passe la douane du Royaume de Thaïlande, en cela différent
de la République Populaire du Peuple Lao que les douaniers
portent des unifomes blancs façon Mousse de la Marine Royale,
au lieu du kaki. Je ne sais pas pourquoi mais ce blanc virginal, avec
les galons dorés, ça leur donne tout de suite un air
primesautier, on dirait qu'ils vont se mettre à faire un
karaoké, on n'a pas du tout envie de les prendre au sérieux.
Une fois les passeports dûment cachetés, il faut prendre
un taxi, soit pour Nong Kai, qu'on voit déjà au loin,
soit pour Udon Thani, à une cinquantaine de bornes. Et là
tout de suite, plongée en apnée dans la civilisation...
Oui, je sais, pour ceux d'entre vous tous qui vivent à
Bruxelles, à Paris ou à Londres (sans compter de
nouveaux lecteurs jusqu'à Pekin), le nord de la Thailande doit
être le dernier trou du monde. Que nenni, la Thailande est un
pays dit 'middle income' et si je ne me trompe, le Portugal l'est
aussi, pour vous donner une référence. De toutes
façons, comparé à Vientiane, c'est l'autre
monde. Donc autoroute signalisée, berne centrale, rond-points
avec gazon, casses-vitesses. Ceci pour le trajet. A Udon, le premier
truc à faire pour passer le temps dans les embouteillages,
c'est de compter les Seven/Eleven: il doit y en avoir autant quà
New York ou à Montreal.
Le taxi nous a mené
jusqu'en haut de la rampe d'accès de l'AEK Udon International
Hospital, où une nuée de travailleurs indéfinis
en blouse blanche se sont précipités pour nous ouvrir
la porte, prendre Sanam par la main et Leila dans les bras, faire
asseoir JP dans un coin (non, ils ne lui ont pas servi une petite
bière) et me mener à la reception. Pendant que
j'expliquais mon affaire à trois ou quatre jeunes femmes qui
m'écoutaient attentivement en souriant très aimablement
et n'y comprenant que pouic, 2 ou trois autres personnes
photocopiaient nos passeports et une nana visiblement
hiérarchiquement supérieure aux autres remplissait les
formulaires à ma place avec trois bics dans chaque main.
Immediatment nous fûmes dirigés vers les services ad
hoc, l'un de médecine, l'autre de pédiatrie munis de
papiers spécifiant nos requêtes en thaï, après
quoi tout le monde a disparu et nous nous sommes retrouvés
tout seuls. Normal, on avait rempli les fiches et on allait surement
payer à la sortie, c'était l'essentiel.
Pendant
les trois longues heures qui ont suivi, nous avons eu l'occasion
d'examiner les lieux pour noter l'impeccable propreté du
carrelage étincelant, le calme olympien des lieux, l'espace
enfants avec toboggans, petits vélos et tourniquets, la petite
musique de fond, indécelable au début, relaxante au
milieu et totalement agaçante à la fin, le pas feutré
des infirmières et surtout l'absence quasi totale de patients
et de médecins. Nous avons été pesés, on
nous a pris la tension et puis on nous a fait nos injections toujours
en nous souriant très aimablement.
Pour les médicaux
de cette liste de distribution, je dois faire mon mea culpa, mais
Sanam criait vraiment comme un veau qu'on égorge et je la
tenais fermement en lui susurant des choses douces à
l'oreille, c'est pour ça que je ne les ai pas vus faire le
BCG. C'est quand le tour de Leila est arrivé que j'ai constaté
l'intramusculaire. Sur le coup, j'avais pendu à mes basques
deuc veaux qu'on n'avait pas totalement fini d'abattre et qui
agonisaient dans mes bras. Il m'a fallu le périple de retour à
Vientiane pour retrouver mes esprits et me souvenir que le BCG est
intra-dermique et que gare à celui qui se le reçoit
dans le muscle. Panique à bord ... Il appert, renseignement
pris, que ma turbulente descendance s'est pris une injection de
tetanos totalement inutile puisqu'elles sont déjà
vaccinées et que je n'avais certainement pas demandées.
L'erreur est humaine, mais tout de même. Enfin, j'ai eu des
excuses en bonne et due forme de la part du médecin lui-même
qui a avoué avoir perdu la face, ce qui pour un Thaï
équivaut à faire harakiri. Ce n'est pas tous les jours
que les toubibs de nos hôpitaux européens
téléphoneraient personnellement à leurs patients
dans un pays frontalier pour s'excuser d'avoir administré le
mauvais vaccin. Comme bonus on a droit à un BCG gratuit par
personne et on peut revenir en deuxième semaine.
Après
s'être fait perforés, on est allés au Robinson.
Je l'avoue, c'est assez nul pour une première visite en
thaïlande d'aller se fourrer dans un centre commercial façon
City 2 ... Mais bon il faut nous comprendre. Outre le fait qu'on
crevait de faim et de soif et que les moufflettes n'avaient pas
encore séché leurs dernières larmes, on avait
aussi perdu notre taxi qui était sensé nous faire
l'aller-retour jusqu'au pont pour 500 Bahts (rassurez-vous, on ne
l'avais pas payé)et on n'avait que 3 heures devant nous avant
d'entamer le voyage de retour pour être à une heure
décente au pont. Mais surtout, après trois mois à
Vientiane, entre les zébus qui se prélassent dans les
flaques de boue sous nos fenêtres et les lézards qui se
traïnassent au soleil sur nos murs, plus les poules et leur
colonie de poussins qui traversent les routes sous nos roues de
tuk-tuk, le chant du coq qui me réveille avant mon réveil
et la gamine des voisins qui prend son bain dans la rue dans le
baquet à lessive de sa mère, on est devenus des paisas,
comme on dit en espagnol. Alors tout d'un coup, comme ça, se
retrouver dans une grande ville, vous comprenez, on n'a pas supporté
... Comme tous les braves péquenots qui quittent leur
cambrousse pour monter à la capitale, on est allés se
jeter dans le centre commercial le plus proche, on s'est baffré
une pizza au Pizza Hut local, on a acheté des glaces aux
petites, on s'est perdus dans le Boots pour faire un stock de
repellent et des produits de soins-soins et on a alimenté en
pièces de 10 Bahts les jeux pour enfants qui font vroum-vroum
et turlututut. On avait l'air très cons, surtout quand on
s'est retrouvés au 3eme étage de l'édifice,
étage qui aligne d'un côté une rangée
interminable de magasins de téléphone portables et de
l'autre côté la même litanie sans fin de magasins
d'imitation de poupées barbie et de batmans en plastique. On
n'avait rien à faire là, à cet étage,
devant cet étalage ridicule de choses laides et inutiles, dans
ce centre commercial, dans cette ville. On est sortis se chercher un
autre taxi pour rentrer dans notre cambrousse, au milieu de nos
vaches.
Je crois qu'au moment où la voiture s'est
arrêtée devant la barrière en bambou de la
maison, j'ai soudain un peu compris pourquoi les laos préfèrent
se faire chier à apprendre l'anglais et faire venir des
infirmières de Singapour et des consultants des Philippines
plutôt que de céder à la facilité d'avoir
recours au grand voisin Thaï dont pourtant la langue et
l'écriture sont si proches de la leur. Partout dans mon
travail, le thaï, les thaïs sont refusés poliment
mais fermement. C'est la mort dans l'âme que l'ecole
d'infirmières a accepté des bouquins en thaï, les
élèves étant vraiment incapables d'étudier
quoi que ce soit dans un manuel en anglais. Avant le périple à
Udon, je ne pigeais pas et je râlais sur leur étroitesse
d'esprit: ce serait pourtant si facile s'ils acceptaient de se faire
aider par les thaïs plutôt que d'aller chercher midi à
quatorze heures. Maintenant je sais que ce serait surtout facile de
se faire phagocyter et si dangeureux de se perdre face au clinquant
et à l'arrogance du grand-frère de l'autre côté
du pont ...
A mon avis, les touristes belges qui reviennent de
Thaïlande doivent dire des choses comme 'les gens sont si vrais'
etc. Je leur conseille de passer par chez nous, à mon avis il
y a des double-fonds à la vérité.
Bon,
assez philosophé, voici le moment tant attendu, notre ...
Chronique Pipole
Ou tout ce que vous avez toujours voulu
savoir sur les habitants de la maison des trois petits cochons + les
rues avoisinantes
- Pi U cuisine toujours aussi
délicieusement, mais elle ne s'appelle pas U, elle s'appelle
Pi (prononcez Paï). U (prononcez Eurgh) veut dire tante.
Elle
a décidé d'accélérer mon apprentissage du
Lao, elle doit trouver que ça ne va pas assez vite puisque ça
fait deux semaines que j'en suis à compter jusqu'à 10
(nung, song, sam, si, ha, hok, jet, pet, giao, sip) et que Sanam en
est déjà 11 (il faut dire qu'elle, elle apprend avec
Paitoun, le gardien de jour-jardinier et qu'il est meilleur
instructeur). Donc elle n'arrête pas de me dire des trucs en
parlant lentement et en détachant chaque syllabe et répétant
le tout plusieurs fois d'affilée, comme si j'étais une
attardée mentale au bord de la crise d'hystérie et
qu'il fallait me calmer tout de suite en me donnant l'impression que
je suis la personne la plus intelligente du monde.Il faut quand même
avouer que cette langue est impossible et que je vous défie de
faire la différence entre pet qui veut dire canard, pet qui
veut dire huit et le pet de 'mac pet' (sauf que des fois on laisse
tomber le 'mac') qui signifie piment.
- Pet, le gardien
de nuit (oui, il s'appelle Mr. Canard, sauf que ça se prononce
encore d'une autre manière) a abandonné son
passe-montagne jaune et laissé sa mâchette dans une
cachette connue de lui seul. Je pense qu'il est rassuré sur le
voisinage et qu'il se permet donc des petits sommes assez réguliers
et parfois mêmes continus. On ne se plaint pas, les amis qui
sont venus manger du Lap Pet hier soir nous ont dit que les
ronflements de leur gardien de nuit les empêchaient de dormir
...
- Paitoun a ses humeurs, surtout quand Sanam renverse
le panier de feuilles mortes qu'il vient de balayer, mais il est très
gentil et sert de garde du corps aux enfants quand elles vont faire
du vélo dans la rue. A ses heures perdues, il astique les
roues de la poussette de Leila et après elles sont si propres
que je pourrais aller l'exposer dans un show-room de Prémaman
et je n'ose plus l'employer pour aller me promener. Sanam a adopté
Paitoun comme nounou et trâine dans son sillage tout le
week-end, elle lui fait des crepes au Nutella au goûter et ils
jouent à cache-cache. Quant à Leila, elle se précipte
dans ses bras et met sa tête sur son épaule, elle
l'amadoue si bien qu'elle ne touche plus le sol.
- Une
fleur de lotus rose fuschia est en train de s'ouvrir sur l'étang.
D'autres boutons apparaissent un peu partout.
- J'ai trouvé
sur le manche de ma cuillière en bois posée au bord
d'un plat dans la cuisine, un énorme crapaud qui essayait de
passer inapperçu. Il était absolument abominable, alors
j'ai étaint la lumière, fermé la porte et je
suis allée me coucher sans faire la vaisselle, qui est à
peu près la seule tâche ménagère que
j'accomplis encore. Le lendemain matin, il était toujours là,
derrière la bonbonne de gaz, alors Sanam a appelé
Paitoun sinon elle n'aurait pas eu ses corn flakes.
- Il
ya une bestiole dans les rizières qui a un cri qui ressemble
au klaxon d'un camion en plastique pour enfants ou au rire
pré-enregistré qu'on entend quand on appuie sur le
ventre de certaines poupées: une sorte de EhEhhh métallique
dontje n'ai pas mesuré les decibels mais qui me réveille
la nuit en sursaut. N'hésitez pas à me faire parvenir
toute information que vous pourrez glaner sur le sujet: je suis prête
à déménager.
Cette chronique est très
longue, j'étais inspirée mais vous pouvez la lire en
plusieurs fois si vous voulez. Je sais, c'est malin de dire ça
à la fin ...
Je vous embrasse
Maryam
Les
Zénervés 6: Manille, Manille!
Reprise de la
chronique aléatoire à partir du Bureau Régional
de l'OMS pour le Pacifique Sud.
Je ne sais pas très bien
si ce récit va avoir un sens parce que je vais l'écrire
entre deux rendez-vous de 3.5 minutes chacun avec des gens bizarres
qui notent toute la journée des informations très
importantes sur tout le monde et sur des formulaires en triple
exemplaires. Pour répondre aux désirs institutionnels
de la merveilleuse organisation que je sers avec joie, je suis venue
a Manille, capitale des Philippines, pour recevoir mon briefing
d'arrivée exactement 3 mois âpres mon arrivée, ce
qui tombe bien puisque c'est justement maintenant que je dois remplir
un formulaire intitule 'Arrival Report' et sous-titre 'To be
completed no later than 3 months after arrival date at duty station',
comme c'est opportun !!!
Je dois dire que je n'avais pas du tout
envie de partir et justement pas maintenant puisque ma Mina a moi,
elle a troue son menton sur le bord d'une piscine qui l'a sauvagement
agressée parce qu'elle a saute trop prés de lui (le
bord) et ce parce qu'elle a peur de nager sans bouées. D'ou
points de suture poses avec peine par le médecin australien de
la clinique de la même nationalité, Sanam enroulée
dans deux draps de lit façon camisole de force ou momie
égyptienne, ce qui ne l'empêchait pas de crier 'non, je
ne veux pas' en boucle, d'ou va et vient permanent du menton dont il
est question avec pour conséquence que les points sont tout de
traviole (est-ce que ca se dit ca, en français, ou bien c'est
du belge?). Pas très grave en soi mais il se fait qu'hier soir
on lui enlevait ses points pendant que j'étais en train de
m'empiffrer de pastèque (pour changer) en regardant Batman et
Robin (celui avec le Beau George Clooney) a la télé de
l'Holliday Inn, chambre 509,United Nations Avenue, Manila. Pas cool
pour le Jipou, surtout que concomittemment (ou concomitament, ou
concomitemment ou ..En même temps quoi), elles doivent se
farcir toutes les deux le rappel de l'Encéphalite Japonaise et
de la Rage, vaccins dont il était question dans une de nos
précédentes péripéties. Simultanément
(ouaaais, facile, celui-là !) ou bien alors subséquemment
ou conséquemment, je ne sais très bien, JP se paie une
diarrhée carabinée: tourista ou stress, on ne le saura
jamais. Mais enfin, j'ai l'impression d'avoir abandonne derrière
moi un amoureux agonisant et deux enfants martyrs, c'est a peine si
je ne les imagine pas se trainer sur les genoux derrière la
voiture de l'OMS lorsque j'ai quitte la maison, suppliant, mais je ne
les entendais déjà plus, de ne pas partir, de revenir,
de ne pas les laisser, pas comme ca, pas maintenant, JP s'écroulant
déshydrate et épuise sur le bord du chemin pendant que
Sanam, anéantie par la douleur de son menton plonge dans un
état de semi-conscience et Leila se retrouve seule avec le
lait sur le feu, pleurant a chaudes larmes, a la merci de Loustic, le
féroce chien de garde des voisins. Bon, au lieu de ca, Sanam a
répondu au téléphone hier soir en m'informant
qu'elle avait mange trois assiettes de pates et n'avait pas pleure
pendant qu'on lui enlevait ses points et est-ce que si par hasard
elle réussissait à réitérer l'exploit
pour la séance de vaccins, je pourrais lui ramener deux
cadeaux au lieu de un seul svp? Et non, Papa n'est pas a la toilette,
il fume sa clope en buvant l'apéro sur la véranda,
est-ce que je dois l'appeler? Autant pour la nécessite absolue
de ma présence auprès des miens (a moins qu'il ne
s'agisse de la nécessite absolue de la présence des
miens a mes cotes ?).
Petite pause pour aller manger de la
mauvaise bouffe de cantine. Vous vous étonnerez que je ne
profite pas de ma première journée dans une ville
inconnue pour aller au moins explorer les possibilités de
casser la graine dans les alentours immédiats. Je ne peux pas,
pour la même raison que celle qui me donne le loisir de vous
écrire: je suis obligée de glander à cote de mon
téléphone, en attendant que le Dr. Shugeru Omi,
Directeur Régional pour le Pacifique Sud daigne exprimer le
désir de brièvement poser ses yeux sur ma modeste
personne pour m'oublier aussitôt après. Plus important
que lui, y'a pas dans les environs. Apres c'est Gro Harlem Bruntland,
notre cheftaine scout a Genève. (Pour ceux qui ne connaissent
pas Gro, c'est une scandinave énergique, vous avez dit
autoritaire?, qui après avoir accédé et siégé
pendant des années a la plus haute fonction de l'Etat
Norvégien est la première femme Directeur General de
l'OMS, preuve vivante du succès du combat féminin des
années 60, a cote d'elle le dragon domestique que je me payais
a UCB, c';est du pipi de chat).
Le lendemain
J'ai enfin serre
la main du Dr. Omi hier soir a 18h dans un bureau présidentiel
avec de l'argenterie partout, des fauteuils de cuir, la bannière
de l'OMS et des photos de lui avec l'empereur du Japon et non,
je n'ai pas chausse de pantoufles malgré que l'important soit
de nationalité japonaise, on est a l'OMS quand même!
JE me suis entretenue avec lui 30 minutes, une éternité.
C'était mon jour de fête puisque même mon chef m'a
avoue n'avoir eu droit qu'a un entrechocage de doigts. Le Dr. Omi
pense que si ne fut-ce que 1% des résolutions et
recommandations de l'OMS étaient véritablement
appliqués sur le terrain, la Terre serait un Paradis. Il pense
que l'OMS doit commencer à être iconoclaste et sortir
des sentiers battus sur le terrain, favoriser les nouvelles idées.
Monsieur pense que l'OMS a un rôle à jouer dans la
réduction de la pauvreté mais pas en remplissant des
papiers, seulement il se demande comment. J'en suis restée sur
mon derrière, de toutes façons personne ne m'avait
demande de me lever, pendant que le Dr. Omi faisait son monologue
inspire. J'avais l'air d'une carpe, avec les mêmes yeux
globuleux. J'essaie de me fabriquer une contenance lorsque tout d'un
coup, il me demande ce que je pense du rôle de l'OMS dans la
réduction de la pauvreté des pays les plus pauvres.
Aaaaaaaargggggghhhhhh. J'ai cru que le bruit du fonctionnement de mes
méninges allait réveiller le fonctionnaire endormi dans
le bureau d’à cote, j'ai baragouine un truc que j'avais lu
quelque part sur le rôle de 'stewardship' de l'organisation et
fait ma cultivée en citant Jeffrey Sachs. Pas difficile, le
coup du stewardship c'est dans toutes les brochures d'information,
quant a ce vénal et ambitieux JS, autrement dénomme
brillant économiste, a récemment pondu un bouquin
finance par l'OMS intitule Macroeconomics and Health et c'est Gro qui
l'a préface, je ne risquais pas de tomber a cote. De toutes
façons, il ne me demandait pas vraiment mon avis mais disait
ca pour meubler la conversation et il est passe a autre chose sans
écouter ma réponse qui pourtant m'avait coute 5 ou 6
neurones, définitivement grilles, perdus pour le reste de mes
jours sur terre. Quand l'entretien s'est enfin termine par l'habituel
"si vous avez besoin de quoi que ce soit n'hésitez pas,
je suis toujours a votre écoute" (je vais essayer ca un
jour, appeler Omi pour lui dire que mon salaire a 1 semaine de
retard...), j'étais en nage et j'ai été
gratifiée d'un souriant: " I think you will do fine at
WHO, I can feel these things".
Ga.
Pour fêter ca,
je suis allée faire du shopping comme une malade et je me suis
achetée deux paires de sandales. Quoi? Je les méritais,
non?
A part ca les Philippins sont rigolos. Genre ce matin, la
secrétaire de je sais plus qui avec qui j'avais rdv (mes rdv
de briefing se suivent a raison de 1 a 2 par heure, de 7.30 a 15.30
et ce pendant 5 jours, je ne sais plus très bien qui est qui)
m'accueille d'un retentissant : '"you look sooooo young, you're
beautiful !". Moi qui maudissais justement les miroirs de
l'hôtel: a la maison il n'y en a presque pas et de toutes
façons, ils sont absurdement places si haut que la seule chose
que je vois, c'est qu'il serait temps que je fasse ma colo... et la
tout d'un coup, a peine descendue de l'avion, voila que les ravages
de deux grossesses et d'une légère propension pour le
chocolat et le rire franc (d'ou les rides d'expression que ma rosse
de fille ne manque pas de me signaler: "eh maman, t'as des
lignes la") me sautent sauvagement a la gueule. Mais après
ce compliment j'étais toute remontée, fière de
ma jeunesse et de ma beauté. J'aurais du me méfier. La
secrétaire du rdv suivant a failli faire une apoplexie en me
voyant, comme si elle avait vu apparaitre Claudia Schiffer, et a
lance: "Oh you look much younger than your picture, oh you're
very nice and good looking!". Hum... Ca a continue comme ca
toute la journee d'hier et d'aujourd'hui. C'est a chaque fois pareil.
Elles s'etranglent en me voyant comme si Miss Univers vernait de
rentrer dans leur bureau, elle se levent, lancent les bras au ciel et
me disent que j'ai l'air jeune, elles donneraient leur main a couper
que je suis dans mes "late twenties". Ce qui a pour effet
de me deprimer completement a chaque fois parce que j'en conclus que
si elles l'expriment si bruyemment, c'est que je dois avoir l'air
d'une vieille peau et qu'elles ne s'y attendaient pas. L'autre
caracteristique du personnel Philippin de l'OMS, mis a part la
propension a faire des compliments deplaces et totalement superflus,
c'est l'hygiene dentaire. Dans les toilettes, on peut trouver une
collection de brosses a dents et de dentifrices, un stock de bains de
bouche et une foultitude sacs de toilette de toutes tailles et de
toutes les couleurs pour les contenir. Tout le staff Philippin du
bureau regional fait la file pour se laver les dents apres manger. Je
sais, c'est recommande mais c'est quand meme la premiere fois que je
vois la chose aussi publiquement exposee et institutionalisee. Ca
doit faire partie du reglement du personnel...
En tout cas, ils
sont vraiment adorables et non seulement ici , mais partout, dans les
magasins, les restos etc. Et puis j'adore leur langue, ce creole
bizarre, inspire de l'espagnol et l'anglais: je me suis
regardee tout un Journal Parle hier soir sans comprendre un seul mot,
tellement je trouve ca joli.
Oui, je sais, je ramollis du
cerveau. Ca doit etre a force de m'entendre dire que je suis belle
par les secretaires tandis que le grand chef me dit que je suis
intelligente,. Je compte sur vous pour m'euthanasier avant que je ne
me prenne pour la reincarnation de Marie Curie dans le corps de la
soeur jumelle de Jennifer Lopez.
Bisous Maryam
PS Chouchou,
tu fw a ceux qui manquent dans la liste, j'ai pas les mails de tt le
monde ici. Merci
Ca
fait un bail que je ne vous ai pas alimentés d'une chronique
aléatoire, et sans vouloir me justifier à tous les
coups, ça a quelque chose à voir avec:
1. La
position inconfortable, ordinateur par terre, assise en tailleur, le
clavier sur les genoux, les fourmis dans les jambes et les doigts
incertains (y compris pour la chose de l'orthographe). Mais
rassurez-vous mon amoureux a utilement employé son temps libre
à nous dessiner un bureau sur mesure, dont la hauteur, la
largeur, la couleur du bois et les tiroirs et portes ne déparent
pas le look si particulier de notre maison des trois petits
cochons
2. Le fait qu'il fait hon, et même hon laï, et
même certains jours carrément hon laï laï,
quand le thermomètre opportunément à moi offert
par mon ami Vincent et que nous balladons de pièce en pièce
avec une incrédulité toujours grandissante annonce 38.5
degrés (et c'est bien parce qu'on se refuse à admettre
que c'est carrément 39). Ces jours là l'ami Phaïtoun
prend son air farceur pour proférer son "hon laï
la"¨traditionnel, ce qui veut dire en substance "Nom
d'un os qu'il fait chaud, on va tous rotir ou rendre l'âme
ébouillantés, allez vite vous réfugier dans
votre atmosphère airconnisée, pendant que je m'occupe
de votre potager en dédaignant impérialement le
ventilateur que dans votre élan de générosité
vous m'avez offert pour mes étrennes de Nouvel An". La
chaleur est telle en ce moment que soit on s'affale comme une vague
étoile de mer anémique sous un ventilateur lancé
à vitesse maximum et on somnole en pensant aux rudes hivers de
la Mongolie intérieure, soit on s'essaie vaguement à
bouger par exemple pour cuire un plat de pâtes parce qu'il faut
tout de même que les enfants mangent et alors un observateur
extérieur pourrait croire qu'on vient de se faire un plongeon
dans l'étang tant on dégouline, sans compter qu'après,
on est tellement épuisés qu'on met les pâtes au
frigo sans y toucher et on va se recoucher. "L'appel du Nord",
un bouquin magnifique sur les Inuites trône sur la table du
salon histoire de nous rafraïchir au passage mais ce n'est pas
suffisant.
3. L'idée géniale qu'ont eue les
ex-collègues et néanmoins amis de mon amoureux à
moi, de lui offrir comme cadeau d'adieu la carte son dont il rêvait
et dont l'installation (encore imparfaite) nous a valu une bonne
semaine de cohabitation avec un informaticien free lance relativement
peu doué et un PC éventré sur la table de la
salle manger, PC qui refuse depuis lors de réaliser une chose
aussi simple que d'ouvrir un bête programme de traitement de
texte. Avec pour corollaire de devoir manger sur la véranda
sans air conditionné, même à midi alors qu'il
fait hon laï laï comme mentionné plus haut.
4. La
solution somme toute assez banale de lutter contre la chaleur en
allant flotouiller bêtement au Setha plutôt que de se
coller devant son clavier. Le Setha, c'est le petit nom du Setha
Palace, un palace, comme son nom l'indique, à la piscine
paradisiaque duquel nous trainons tous les week-end grâce a une
carte d'entrée gratuite que nous a refilée une copine
lao-viet qui tient un bouiboui de brochettes, mais elle fait plus de
brochettes depuis qu'il fait chaud, elle fait maintenant des soupes
de nouilles brulantes, allez comprendre. Comment un bouiboui de
brochettes-soupe-de-nouilles a 8000 kips le plat (soit moins d'1
euro) est-il en mesure de distribuer des cartes d'entrée
gratuites à des piscines de palaces 5 étoiles? Parce
que la fille de la tenanciere de bouiboui est l'ex-secrétaire
du général manager dudit palace, job qu'elle vient de
quitter pour se lancer dans son propre bizness d'arkogélules,
mélange de plantes médicinales qui ont redonné
vigueur à son papa à elle, qui depuis qu'il prend ça
quotidiennement ne pisse plus sur ces claquettes en plastique mais
est de nouveau capable de réaliser des mictions à peu
près normales, alors ils ont décidé de tous en
prendre et par la même occasion d'en vendre à tous les
laos, elle nous a raconté ça pendant qu'on s'empiffrait
de soupe de nouilles par hon laï laï virgule 5
degrés mais nous a immédiatement rassurés: elle
pourra renouveler notre carte l'année prochaine parce qu'elle
a encore des amis dans la place. Ouf.
La même charmante
restauratrice m'a donné un cours de reproduction humaine il
n'y a pas longtemps, comme quoi si je voulais un garçon, il
faudrait qu'on joue à la bête à deux dos
seulement le 14 et le 15 de mon cycle. Tous les autres jours,
abstinence, car ces jours là, les ovules qui tombent sont des
ovules de filles parait-il, ce qui explique pourquoi les filles sont
plus nombreuses que les garçons (question de probabilités).
Elle sait ces choses parce qu'elle a étudié la
pédagogie à Moscou.
Enfin bref, les prétextes
pour ne pas chroniquer ne manquent pas. Rapttrapons-nous.
Avril et sa canicule apportent aussi les pluies oragueuses du soir,
ce qui rafraîchit un peu notre sommeil, ceci par rapport à
Mars où il ne fait que hon laï mais tout le temps. Ici on
appelle ça les pluies des mangues car elles arrivent en même
temps que la saison des mangues. A ce propos, nous en sommes à
notre troisième caisse de déménégement
pleine à rabord ... En effet, dans notre modeste jardinet,
outre le tamarinier, les 4 papayers et la demi-douzaine de cocotiers,
il y a 8 manguiers. A la première récolte, j'étais
excitée comme une puce et les filles et moi on s'en est
empiffrées à s'en faire éclater la bedaine. La
troisième récolte a un peu pourri, Phaïtoun les
ayant oubliés en phase terminale (il faut cueillir les
mangues presque mûres et puis les mettre dans le noir quelques
jours pour qu'elles soient à point. en l'occurence, on avait
oublié la caisse). Je me suis donc attelée à la
confection de confitures. Cette caisse-ci , je dois bien avouer se
traîne un peu ... Je veux dire : Pi U en a emporté la
moitié, j'ai fait du poulet à la mangue, des jus pour
les apéros, j'en mange bien deux ou trois le matin au petit
déjeuner et encore une ou deux au goûter, Sanam aussi;
quant à Leila elle est limitée à deux par jour
sinon c'est la dégelée, mais on ne voit pas le tas
baisser et on observe avec inquiétude les arbres du fond du
jardin dont Phaïtoun n'a pas encore récolté les
fruits. Je ne sais pas pourquoi mais je sens poindre une certaine
lassitude ... On a voulu faire les grands seigneurs et on a aussi
proposé à Phaïtoun d'en ramener chez lui. Il a eu
l'air terrorisé. Grâce à son Assimil d'anglais,
qu'il étudie avec ferveur pendant ses pauses de potager, il
nous a expliqué qu'il en avait autant dans son jardin et que
non merci, il s'en passerait. Il est heureux que les papayers soient
plus chétifs et moins nombreux ... Enfin, je suis récompensée
de mes ingurgitations quotidiennes par les magnifiques fleurs de
manguier fuschia qui ornent déjà celui des arbres
qui fait de l'ombre au balcon de ma chambre.
Pour continuer dans
le registre botanique, je ne sais pas si vous vous souvenez avec
quelle émotion je vous avais signalé l'apparition de la
première fleur de lotus à la surface de notre étang
personnel. Nous avons suivi son évolution avec une ferveur
passionnée, allant même jusqu'à sortir l'appareil
photo pour l'immortaliser, ceux qui nous connaissent savent pourtant
que la photographie d'art n'est pas notre hobby. Risible fébrilité
de naïfs citadins que nous sommes... a l'heure où je vous
parle, on ne voit plus la flotte et je me demande si les
poissons vivent toujours: l'étang est un champs de fleurs de
lotus roses qu'on peut presque traverser à pieds secs
tant la végétation est intense et si on devait
encore s'emouvoir, on trépasserait d'apoplexie. Exit la
poésie. Pi U s'enfonce là dedans jusqu'à
mi-mollets pour ceuillir ce que Sanam appelle les trogons de fleurs
fanées: ils contiennent des graines à croquer que nous
n'avons pas encore goûtées.
Enfin notre jardin
possède un autre trésor: un arbre à
matelas.C'est un gros végétal dont il pend des espèces
de haricots sur-dimensionnés. Pi U les récolte par sacs
poubelles de 100l. Comme nous la questionnions sur la chose dans
l'espoir que ce soit comestible et nous divertisse de la mangue, elle
nous en a cassé un en deux pour nous montrer l'espèce
de fibre cotonneuse qu'ils contiennent. Devant notre air ébahi,
elle a montré les coussins du salon qui craquent un peu aux
jointures et nous en avons conclu que ceci sert à rembourrer
cela et que Pi U à ses moments perdus fait commerce de
matelas.
Avril, c'est aussi Pi Mai, soit le Nouvel an Lao. Une
semaine de délire intégral, pendant laquelle la
population gorgée de bière s'embusque aux coins des
rues avec des pistolets à eau pour arroser les passants. Quand
ce ne sont pas des seaux entiers qui sont déversés des
pick-up sur les motocyclistes aveuglés, ce sont des sacs
plastiques remplis d'eau colorée (colorant indélébile
de préférence) qu'on jette à la figure
d'innocents comme nous. On a fini par acheter un pistolet à
eau pour Sanam et elle s'en est donné à coeur joie.
Pendant la période de Pi Mai, on est invités à
des Baci, en général plusieurs fois par jour. Le Baci
est une cérémonie animiste, destinée à
chasser les contrariétés de l'anée écoulée
et apporter pour l'année nouvelle tous des tas de joyeusetés.
Néanmoins, il ne s'agit pas de se fâcher ni avec
Bouddha, ni avec Karl Marx. Pour ce faire, avant le Baci païen,
on invite les moines du temple de quartier à venir chantonner
leurs cantiques et à manger quelques grains de riz gluant,
moyennant quoi ils ferment les yeux sur la suite et retournent à
leurs affaires spirituelles. Pour Karl Marx, c'est aussi facile, il
suffit d'inviter au Baci tous les officiels qu'on compte dans ses
relations, à commencer par le chef du village et si possible
une représentante de la Lao Women Union. Le mieux c'est de
confier les festivités musicales aux jeunes de la Lao Youth
Union et là, on est sûrs d'avoir tout le monde de son
coté. Le Baci en lui-même se célèbre
autour d'un échafaudages de fleurs de préférence
oranges dont pendent tout un tas de ficelles. Un important dont je
n'ai pas encore saisi l'appartenance marmonne des choses et tout le
monde acquiesce tout en restant receuilli et en se contorsionnant
pour ne pas montrer la plante de ses pieds à qui que ce soit.
Ensuite de quoi l'important se tourne vers l'hôte, lui colle un
oeuf cuit dur dans une main et une mandarine dans l'autre (ou alors
n'importe quelle denrée alimentaire, j'ai vu des Baci avec des
Snickers et des Kit Kat), arrache une ficelle à l'édifice
de fleurs et la noue au poignet de celui qui organise le Baci en lui
souhaitant beaucoup de bonheur pour l'année nouvelle. Apres
quoi, la ruée vers les ficelles est ouverte, tout le monde en
prend un stock et se les noue aux poignets les uns des autres en
disant des choses gentilles. Plus quelqu'un est important et plus les
gens font la queue pour avoir l'honneur de lui nouer des ficelles,
toujours en lui collant des trucs comestibles dans chaque main. Ainsi
au Baci du ministère de la santé publique, j'avais les
avant-bras recouverts de ficelles, puisqu'en tant que sous-fifre à
l'OMS, je suis quelqu'un d'important. Apres quoi, on mange, du lap,
du riz gluant, de la soupe piquante, quel que soit l'heure et dans le
jardin pendant que l'orchestre se met en place. On dansera et chacun
sera obligé d'aller au micro pour yaller de sa chansonnette.
En général, c'est là que je disparais de la
circulation, ma maman sait pourquoi ... Je chante faux. Les
officiants de la cérémonie, quant à eux, restent
autour de l'édifice floral, qui sans ses ficelles a l'air un
peu pelé, et on leur sert sur place du poulet rôti.
Pourquoi les punit-on ainsi, je ne sais pas mais moi je préfère
le Lap et le Tom Yam au poulet rôti. Je les soupçonne de
se défouler après sur les Snickers et les Kit Kat. Les
ficelles doivent se conserver pendant trois jours, sous peine de
malheurs innomables. Mais quand il y en a beaucoup, on a le droit de
les enlever sauf un en guise d'échantillon.
J'ajoute que
les Baci sont ausis organisés à d'autres occasions:
arrivées, départs, naissances, décès,
mariages, promotion, guérison, vols avec effraction, etc etc
etc. Toutes les occasions sont bonnes pour chasser les esprits
malfaisant et amadouer les bienfaisants, s'en mettre plein la
panse et chanter des chansons. Les Laos sont des bons
vivants.
N'empêche ces histoires d'esprit, ça a l'air
sympa a priori, mais il y a des jours où ça me casse
sérieusement les pieds. Lundi par exemple, je leur en voulais
à mort, à ces entités mystérieuses qui
régentent la vie des laos. J'ai visité l'unité
Néonatale de Mahosot (celle-là manquait à ma
panoplie) et j'ai vu une crevette ridicule de 1100 g dans un
incubateur, ses doigts de pieds avait la taille d'une tête
d'épingle. La mère était morte en couches le 15
avril, soit Pi Mai. Le père était parti dès
après la naissance et ne s'était plus montré, ne
se montrera pas m'a-t-on dit, pas plus que le reste de la famille. En
effet, une mère qui meurt en couches, ca grouille de mauvais
esprits et ils en profitent tous pour investir le petit être
sans défenses qui reste en vie, à tel point que
365 baci ne pourraient pas les déloger. Donc, ni le père,
ni les tantines et les tontons ni les grands parents ne veulent de
l'enfant. Total : un orphelin. La pédiatre en chef m'a dit que
c'était monnaie courante.
Et dire que les étrangers
n'ont pas le droit d'adopter ... Bon, allez, je vous laisse méditer
sur ces paroles. Ma prochaine chronique vous parviendra sans doutes
de Khatmandou où je vais séjourner deux semaines pour
suivre un cours. Ecrivez nombreux à Chouchou qui va rester
tout seul ici: au départ, on devait partir en famille mais les
rebelles Maoistes ont l'air déchaînés et on m'a
dit de laisser ma famille à Vientiane. On râle
ferme mais les consignes sont les consignes.
Je vous embrasse
Maryam
Les
énervés visitent l'Asie - Piécette en trois
actes.
Prologue
La
Marie (c'est moi) fit ses valises la mort dans l'âme et s'en
alla par les couloirs aériens sillonés par des engins
qui crashent 1 fois sur 3 à la rencontre des rébelles
Maoistes à Katmandou. Elle laissa sa couvée et son
amoureux un peu dépités sous la pluie (de la saison des
... débutante) avec la perspective de joyeuses retrouvailles
et autres ripailles 15 jours plus tard a Bangkok.
Episode 1Katmandou: la descente aux enfers
Ca fait des années que j'ai envie de visiter le Népal.
Katmandou, c'est un peu la ville mythique de ma post-adolescence
picenlov (bien que je n'aie pas tout à fait l'âge de ça,
mais bon) et on était tout excites le Chouchou et moi d'aller
y passer 15 jours. Jusqu'à ce que les consignes sans appel de
l'OMS séparent l'heureuse petite famille. Je me suis donc
retrouvée dans l'avion pour Bangkok toute seule, le
coeur lourd et la larme à l'oeil. La Thai (Airways) avait
décidé de se mettre au diapason de mes humeurs et
diffusait une espèce de musique sortie de je ne sais où,
comme dans les films d'amour quand le héros meurt à la
fin écrasé par une voiture sous les yeux de sa nénétte
unijambiste qui comptait sur lui pour l'aider à traverser la
rue parce qu'elle devait aller voir leur fils leucémique qui
se mourrait l'hôpital. Une horreur. Dans un supermarché
bondé le samedi matin quand les filles te grimpent aux
guibolles pour réclamer leur chocolat, c'est déjà
énervant, mais dans un avion de la Thai prêt au
décollage où t'as même plus le loisir de partir
en courant, c'est infernal. J'ai même pleuré.
Passé
une nuit à Bangkok dans l'attente de ma connection pour
Katmandou. Le lendemain matin, j'ai su qu'il y avait deux Asies qui
coexistent et cohabitent en s'ignorant superbement. C'était
pendant que je faisais la file pour enregistrer mes bagages eu milieu
d'un tourbillon de saris, j'ai avisé un népalais qui
essayait de négocier le taux de change du dollar avec
l'employé de la Thai Military Bank ... Il venait de changer
100 dollars pour payer sa taxe d'aeroport, se retrouvait avec trop de
bhats et prétendait les rechanger en dollars sans perdre un
centime. Pour convaincre le thai calme, souriant et néanmoins
complètement incrédule de l'autre côté du
guichet, il passait le bras par le hublot pour montrer le tableau des
changes et comme le thai restait toujours impertubable, il s'est mis
sur la pointe des pieds pour passer carrément sa tête
par la petite fenêtre ronde. et puisqu'il ne pouvait introduire
à la fois son membre supérieur et son encéphale
par l'étroite ouverture, qu'à cela ne tienne, il
alternait les deux, ce qui a dû produire sur le très
sérieux (et néanmoins souriant) employé de
banque un effet acoustique assez intéressant, à tel
point qu'il est allé chercher son supérieur. Je ne
connais malheureusement pas la conclusion de l'intervention du gradé
qui me paraissait cependant nettement moins souriant que le
guichetier, mais toujours aussi calme.
A l'arrivée j'ai
découvert une ville sinistrée: c'est quoi Katmandou
sans les touristes ? Pas de couvre-feu officiel mais des soldats en
armes aux coins des rues dès la tombée de la nuit, des
magasins vides (les marchandises sont cachées qualque part de
peur que les rebelles ne débarquent), la population paniquée
par la fin de l'état d'urgence annoncée pour le 25 Mai,
Durbar square vide, Thamel vide, les temples remplis de dévots
et Bakhtapur une ville fantôme. Le Népal des backpackers
a vécu ... On pourrait s'en réjouir mais eux, ils ne
sont pas contents.
Je vais avoir du mal à adopter ma
légèreté de ton habituelle pour parler de
Katmandou. Il faut dire que 15 jours d'affilée, j'ai fréquenté
chaque matin pour raisons professionnelles trop longues à
expliquer ici, la Kanti children hospital ... Quelques flashes. Cette
petite fille de 11 mois qui pesait 3 kilos, sa mère avait
quitté son village dont elle ne connaissait pas le nom, sa
gamine sous le bras pour aller a Katmandou. Elle avait demandé
son chemin, pris des bus, s'était laissée diriger dans
le seul but de montrer le môme qu'elle trouvait trop maigre à
des docteurs. Elle ne savait pas comment rentrer chez elle. On l'a
croisée le matin dans la salle d'attente bondée, assise
dans un coin, en train de câliner sa minuscule petite comme si
elle venait de naître. On a cru que la petite avait quelques
semaines... On a découvert l'horreur une heure plus tard en
consultation quand elle nous a dit son âge et qu'elle l'a
désabillée. Taux officiel de malnutrition: 57%. Un bébé
de 4 mois qui est mort sous nos yeux dans une unité de soins
intensifs qui ressemblait aux chiottes d'un resto turc derrière
la gare du Midi: malnutrition, déshydratation, septicémie,
la valse habituelle des verdicts contre lesquels on ne peut rien. Un
autre bébé de 6 mois en train de gémir (imaginez
un bébé de 6 mois en train de gémir ...), noyé
dans sa diarhhée. J'arrête, je ne me souviens plus très
bein des autres, mais ils étaient nombreux, je croise encore
parfois leur regards dans mes cauchemars et je ne pouvais rien
faire.
Pour me détendre, j'ai été voir la
maison de la déesse Kumari. C'est une déesse vivante,
elle a 5 ans. Elle vit dans une petite maison du 16eme siècle
splendide, avec des boiseries à tomber par terre et une petite
cour intérieure qui dégage une atmosphère de
sérénité incroyable. On crie son nom, sa nounou
se penche à la fenêtre et vérifie que personne ne
s'apprête à prendre des photos et elle passe la tête
pour faire coucou. Elle est habillée de rouge et d'or,
maquillée comme une princesse. Elle a l'âge de ma Sanam
et en a pour jusqu'à sa puberté dans cette prison
dorée. Dès que les premières gouttes de sang de
sa future féminité apparaissent, elle est détrônée
et on en choisit une autre. Elle vient d'une sainte famille de la
caste des Brahmanes, elle a été choisie pour la couleur
et la texture de ses cheveux, la blancheur de ses dents, la taille de
ses yeux et parce qu'on l'a enfermée 2 ou 3 ans plus tôt
avec d'autres gamines de son âge en présence d'une tête
de buffle et qu'elle n'a pas eu peur. Attention, si elle a ne fut-ce
qu'une petite égratignure, une seule goutte de sang qui coule,
elle sera disqualifiée avant sa puberté. Pas de vélo,
pas de patins à roulettes, pas de trotinette, pas de
grimpettes, pas de galipettes, pas se traîner par terre, pas de
bricolages avec des ciseaux, pas cueillir de fleurs, pas jouer avec
des cailloux ni avec des chatons. Une enfance volée qu'on
décore de temps en temps pour parader en ville dans un
palanquin garni de fleurs. C'était juste ce qu'il me fallait
pour voir la vie en rose après l'hosto. Je crois que je vais
arrêter le tourisme, ça fait du mal a mon moral.
Episode 2 Bangkok: the ultimate plastic experience
Heureusement,
quand on a eu la chance de naître du bon côté de
la barrière invisible qui sépare l'humanité en
deux moitiés inégales, les mauvaises choses ont
toujours une fin. J'ai donc repris l'avion pour Bangkok y rejoindre
mes deux princesses et leur papa. Je devais assister à un
cours sur le financement de la santé dans les pays en
développement en espérant que je trouverais à
Bangkok les réponses aux questions soulevées à
Katmandou.
Bangkok, la ville du futur, dont on ne peut traverser
aucune rue sans grimper 50 marches pour accéder à un
pont aérien qui enjambe la plus dense des circulations
automobiles de cette planète (et ne comptez pas sur les Thai
pour penser aux handicapés ou aux pauvres parents avec
poussette: pas d'ascenseur, pas d'escalator et il est interdit de
transpirer, ils sont très à cheval sur l'hygiène).
Bangkok et son métro aérien qui permet très
opportunément d'éviter les embouteillages mais qui vous
empêche de voir le ciel bleu: chaque fois que vous levez le
nez, vous tombez sur un gigantesque spaghetti de béton,
l'échangeur du skytrain ... Bangkok, la ville la plus poluée
du monde mais où jeter ou renverser quelque chose en rue
est passible de prison et ou même les bébés n'ont
pas le droit de boire leur biberon dans le bus. Bangkok ou le plastic
souverain, le polyester fait roi, l'empire du synthétique et
de la contre-façon, en particulier au MBK center sur Siam
Square où tout est à 99 bhats, autant dire presque pour
rien. Bangkok, le "dollarie" géant ...
(NB. Le
Dollarie est un concept Canadien exporté chez nous récemment:
ces magasins où tout est à 1 dollars, chez nous 50 F
... Ca vous dit quelque chose?).
Evidemment, comme partout, il y a
des moments de grâce. Par exemple quand on va, à 22h, au
Seven/Eleven chercher du lait pour Leila et qu'en sortant du super
marché, en plein sur Phyathai Road (celui avec 4 bandes de
circulation dans chaque sens + deux bandes de circulation aériennes
et la ligne principale du skytrain par dessus), on tombe nez à
nez avec un éléphant. Qui fait la manche. Apres avoir
glané quelques bananes, le mammifère s'en va,
zigzaguant entre les taxis et les mobylettes, manquant écraser
les tuk-tuk d'un coup de patte. On a vu passer un flic et j'ai cru
qu'il allait verbaliser l'éléphant. J'en ai été
pour mes frais. Je me demande: la crotte d'éléphant
sur les trottoirs de Bangkok est-elle un problème ponctuel ou
récurrent et est-ce passible d'une forte amende ou carrément
de prison? Je m'interroge: comment apprend-on à un éléphant
à jeter ses peaux de bananes dans une poubelle publique?
En
tout cas, les gens n'avaient pas l'air surpris. Leila non plus
d'ailleurs. Il semblerait que l'éléphant fasse
maintenant partie de son univers quotidien. Elle le nomme quand elle
voit des photos dans ses livres, ainsi que le crocodile et le buffle
et même le dragon. Mais elle ne reconnait pas encore le lapin
ni le cochon d'inde. Dois-je m'inquiéter? Enfin, ce voyage a
Bangkok lui a été salutaire: maintenant elle sait ce
que c'est qu'un bus et un métro: j'avais peur qu'on ne rentre
à Bruxelles et qu'elle ne demande à prendre le
tuk-tuk.
Episode 3 Bangkok (ctd): Indulge yourself in luxury
Au
bout de 2 semaines, vous vous en doutez, on en a eu marre et on a eu
envie de prendre des vacances. Vous n'êtes pas sans savoir que
JP a des goûts de luxe surtout en matière d'hôtel,
puisqu'il est tombé dedans tout petit. Personnellement, j'ai
grandi dans un environnement plus pragmatique et je suis plutôt
du genre à passer une demi journée dans un centre
commercial où tout est à 99 bhats. Mais après 12
ans de vie commune, la contagion a fait son effet. Or, je suis
maintenant en possession d'un splendide passeport bleu pâle: le
Laissez-Passer officiel des Nations Unies. Ce précieux livret
qui me permet de gagner beaucoup d'argent sans payer de taxes, de
voyager avec 30 kilos d'excédent de bagages sans qu'un
douanier, même Suisse, ne moufte mais aussi de payer mon eau et
mon électricité 60 fois le prix officiel Lao, me sert
aussi à négocier des tarifs à tomber par terre
dans les palaces.
Mon cours a la Chulalonkorn University terminé,
nous avons donc décidé de passer notre dernier week-end
à Bangkok dans une suite du Shangri La, fruits et
thé dans les chambres, buffet pantagruélique,
petit-déjeuner resplandissant, au bord de la rivière,
dîner avec danses Thaies et guirlandes de noel dans les arbres
dans une maison traditionelle en tek, plusieurs piscines, quelques
jacuzzis, 2 ou 3 saunas, l'un ou l'autre hammam, poolside massage du
corps et des pieds, orchidées dans les verres à dents,
larbin pour vous ouvrir les portes après la manucure, accès
par la rivière avec port privé pour éviter les
embouteillages de la ville, service impeccable avec fonction baby
-sitting automatique pour Leila (en particulier quand elle se mettait
à leur parler Lao, dire Sabaidee, réclamer du Cao
Niao, dire KhopChai quand elle le recevait et lak hon quand on
partait... dans ce cas ils fondent, moulinent allègrement des
deux bras en criant "Passa Lao! Passa Lao!", appellent tout
le reste du personnel hotelier dans un rayon de 500 mètres.
Ils s'amassent tous autour d'elle, trouvent un Thai parmi eux qui
vient des provinces du nord et parle le Lao. Ce dernier
commence à tailler le bout de gras avec le moufflet pendant
que tous les autres la regardent émerveillés. Pendant
ce temps là, Papa avale son screwdriver en lisant John Irving
tandis que Maman sirote son Pina Colada en se massant le dos dans le
jacuzzi et on ne doit plus s'occuper de rien. Tres pratique.)
Epilogue
On
est de retour à la maison. Déjà ça fait
bizarre de prendre l'avion pour Vientiane et de se dire qu'on rentre
à la maison. C'est la première fois que ça nous
arrive et on était très impressionnés (sauf
Leila, comme d'habitude).
Bien que le premier matin, on s'est
demandés où on pouvait aller chercher les oeufs sur le
plat, le bacon et les toasts avant de se rendre compte que si on en
voulait, il fallait sortir la poele et les faire, on est contents
d'être dans nos pénates. Surtout que le chef du village
a profité de notre absence pour retourner ses champs et
planter du riz et qu'on va enfin avoir des vraies rizieres sous nos
fenêtres (au lieu de la pataugeoire à zébus que
nous avions en saison sèche).
Sanam a retrouvé les
petites voisines avec qui elle fait du vélo dans la rue tous
les jours (sans pour autant arriver à emmagasiner un seul mot
de Lao, le potentiel de cette enfant pour les langues étrangères
est une véritable catastrophe).
JP a retrouvé son
ami le garagiste, celui qui travaille sur notre Jeep chinoise depuis
5 mois (date de livraison officielle 28 février 2002).
Leila
a retrouvé Paitoun, celui qui n'hésite pas à la
prendre dans ses bras dès qu'elle en émet le désir.
Et moi j'ai retrouvé mon boulot: lundi matin, départ
pour le district de Phonesavath, zone spéciale de Xaysonbone,
où vit l'ethnie Hmong. Visite d'un centre de santé dans
les montagnes. 3 heures de route, 2h de bateau, petite grimpette pour
arriver là haut et y trouver un superbe centre de santé
tout propret, avec des dossiers magnifiquement tenus, des réservoirs
pour les seringues usagées, des consultations prénatales
et postnatales, des panneaux solaires pour alimenter le frigo à
vaccins, des diagnostics de méningites correctement posés
et des médicaments utilisés à bon escient. Tout
ça réalisé par un infirmier-sage homme (on ne
dit pas sage femme pour un homme je suppose ...) Hmong. Ca
fait du bien n'empêche, même si tout ca tient debout
grâce à un prêt de la banque mondiale. Ils
cherchent un moyen de rendre ça viable à long terme.
Ouf.
Je suis revenue à la maison la nuit tombée pour
trouver le prof de Lao qui m'attendait pour nous donner notre premier
cours de Lao à JP et moi. On a passé le reste de la
soirée à ânoner: "J'ai du poulet",
"J'ai des oeufs" et "J'ai une maladie", pour
comprendre les subtilités tonales du Lao. En effet, poulet,
oeuf et maladie se disent également Kai mais avec trois
tonales différentes. Passionant.
Je vous embrasse Maryam
Bonjour les amis
de là-bas (et quelques autres par ci , par là)
J'aurais
du recommencer la rédaction de ma chronique aléatoire
tant que les pluies torrentielles de la semaine dernière nous
laissaient des soirées fraîches, voire des nuits
frisquettes. Il a plu pratiquement sans discontinuer depuis que nous
sommes rentrés et comme dirait mon ami Chongkham, made in
Laos, exporté en France dès le berceau et réimporté
au Laos récemment: "On se croirait en
Moselle".
Aujourd'hui on se croirait toujours en Moselle,
mais après qu'un savant fou ait modifié génétiquement
la chiure d'anophèle pour qu'elle devienne toxique et produise
du méthane et alors l'atmosphère se serait réchauffée
et il ferait beau en Moselle.
Beau et chaud, mais pas Hon laï
laï, rassurez-vous, il paraît que ça va aller en se
refroidissant et tout bien réfléchi, il me prend des
envies d'hiver.
Non, je ne suis pas malade.
Je ne vous
décrirai pas nos vacances frénétiques au Plat
Pays. Tous ceux qu'on a vu, avec qui on a bu et partagé l'un
ou l'autre fou-rire avec une émotion à peine contenue
s'en souviennent et les autres n'avaient qu'à être là.
En revanche, retour au bercail un dimanche soir après plus
de 30h de voyage, nous avons trouvé le Phet endormi sous une
moustiquaire tendue entre la voiture et les pilliers de la maison. Il
n'avait pas son passe-montagne mais l'avait troqué contre un
air hagard du plus mauvais effet quand on est supposé être
un gardien de nuit féroce et redouté. C'était là
le seul bémol. Parce qu'en dehors de ça, notre
prestigieuse demeure en bois et paille était parfaitement
propre et rangée, les lotus fanés de l'étang
avaient été coupés, les nids de frelons fumigés,
la pelouse taillée au centimètre. Les papayers étaient
plein de papayes, le pomélotier plein de pomélos et
l'arbuste à piments plein de piments (celui-là on
dirait qu'il a été planté pour qu'on ne doive
même pas sortir de la cuisine pour cueillir les piments: y'a
qu'à se pencher par la fenêtre).
Après avoir
avalé une boîte de Raviolis Buitoni acheté au
prix du caviar chez Phimphone II (les deux magasins Phimphone I et
Phimphone II sont distants d'environ 50m sur l'avenue Sethathirat ou
Samsenthai, je ne sais plus, ces deux là je les confonds
toujours. Phimphone II a été ouvert par Monsieur
Phimphone quand ila divorcé de madame Phimphone à moins
que ce ne soit l'inverse. Ils se sont installés l'un à
côté de l'autre non pas par nostalgie de leur amour
défunt ni par comodité pour régler les relents
des comptes du ménage ni même pour s'empoisonner la vie
l'un de l'autre mais simplement parce que. Au Laos il n'est pas
nécessaire d'avoir de meilleures raisons que Parceque. Mais
ils rivalisent pour importer de Thailande les produits les plus
variés qu'il vendent à un prix que je n'oserai même
pas évoquer ici par pudeur et par discrétion pour tous
ceux qui vont quand même s'approvisionner là. Et donc
les Phimphone importent à grands frais pour les cas d'extrême
détresse des Raviolis Buitonis, les mêmes qu'au GB, à
consommer le lundi.) ... où en étais-je, ah oui: donc
près avoir avalé une ou deux boîtes de paté
pour chien, nous avons pris l'apéro sur la véranda. Les
puristes me diront que l'apéro ne se prend pas après le
repas. Je répondrai à ceux-là que quand on en
est réduits à manger des Raviolis en boîte de la
marque Buitoni, on n'est pas à une hérésie près.
Aux autres, je dirai que pour que les enfants mangent convenablement
aux repas, nous avons pris l'habitude de prendre l'apéro avec
les chips après, et pourquoi pas, en Iran on mange bien les
chirinis (= sucreries) avant le repas.
Tout ça pour en
venir à vous narrer ce bien être immense et cet immense
sentiment de plénitude qui nous envahit soudain à cet
instant précis tandis que Leila braillait "On est à
la maison, Ok?" et que tout notre être communiait avec
elle en cet instant de vérité: "On est à la
maison, OK!" (cette manie qu'elle a de mettre des Ok à la
fin de toutes les phrases est assez cocasse, mais en l'occurence ça
frisait le génie). Une petite pluie de mousson s'est mise à
tomber et si j'étais poète je dirai que c'était
un chant de bienvenue et tout ça, sauf que bon les pluies de
mousson là on en a un peu ras le truc, surtout que la pelouse
est un vrai marécage et que les bougeoirs en pâte à
sel spécial fêtes des mères moisissent, de même
que les chaussures en cuir (je comprends mieux l'intérêt
de la claquette en plastique mais pourquoi diable doit-elle faire
pouêt pouêt?).
C'est pas du tout qu'on ait passé
de mauvaises vacances loin de là, on languissait de vous
revoir et on a été choyé, on sait où sont
nos potes. Mais la couleur sombre et chaude du bois de teck partout,
les clapotis des poissons dans l'etang , le reflet de l'eau dans les
fenêtres, les rizières vert pomme qui tiennent en
respect les nouvelles constructions thaïes de l'autre côté
du canal, cette espèce d'atmosphère hors du temps, dans
laquelle la mousson y est pour quelque chose, les gamines qui
cavalent à moitié nues dans l'immense véranda,
et le Lap de PiU assorti du Cao Niao acheté au marché
du coin, ma foi ... vous voyez ce que je veux dire. Si j'ajoute que
je n'ai eu qu'à dormir deux fois sur mes deux oreilles et
alakazoum et bendikazoum, la grosse valise de linge sale s'est
transformée en pile de linge propre dans les armoires, je sens
que vous allez former des convois pour une demande d'asile immédiate
en République Démocratique du Peuple Lao.
Parmi
les évènements notoires depuis notre retour, c'est
qu'on a maintenant une magnifique jeep chinoise jaune bulldozer et
elle roule. Les plaques qui ornent joliment son devant et son
derrière potelé sont encore des plaques
gouvernementales qui datent de la guerre de sécession de la
zone Spéciale de Xaysomboune, mais Jean Philippe a déjà
bu une bière entière avec son propriétaire, un
éminent membre du gouvernement de la République dont il
est question ci-dessus. L'éminent, qui lui, roule en Toyota
4x4 flambante neuve, se révèle être un employé
du ministère des communications, et les bagnoles sont un moyen
de communication qui tombent sous la férule de cet important
ministère, il va faire tous les papiers pour la semaine
dernière et il nous contactera dès que c'est prêt.
C'est en bonne voie.
Nous avons repris nos cours de Lao. A
ma demande nous sommes passés de 3 fois par semaine a deux
fois seulement parce que malgré les bons soins de PiU,
soutenue dans son effort par la jeune EET, sa fille, qu'on
diraittimide mais que je soupçonne d'être un peu niaise,
je ne tirais plus (en tout cas moins bien que Chang, c'est comme ça
que j'ai surnommé notre jeep, d'après le nom du
compagnon de Tintin lorsqu'il entreprit de se rendre au Tibet. Or
Chang tire mal, pour ainsi dire pas). Donc le Lao, ça va.
Maintenant on sait dire: mon arrière-grand-mère habite
au pôle sud et le pôle sud est au sud du pôle nord.
C'est extrêmement utile surtout pour se faire délivrer
un certificat de résidence à la maison communale du
quartier ou pour demander les chiottes au restaurant. Yomana, notre
éminent professeur (prononcez khou) manque légèrement
de sens commun en plus de manquer de sens de l'humour. Comme nous lui
avons demandé de faire des leçons thématiques,
il a attaqué la famille et puis après le globe
terrestre. S'il est ma foi utile de savoir que soeur se dit
différemment selon que la soeur est plus jeune, plus âgée
ou du même âge, il est moins immédiatement
nécessaire de pouvoir dire sud-sud-est et nord-nord-ouest
quand on n'a pas l'intention d'aller rechercher sa petite soeur
perdue dans la forêt tropicale sans boussole.
Le plus
cocasse fut quand il m'expliqua qu'il avait vu une étoile
filante un soir en allant pisser au clair de lune, tout ça
parce qu'il lui paraissait logique d'associer sa leçon sur le
globe terrestre à une dissertation sur le cosmos. Je ne lui ai
pas demandé comment on disaitfiancée et si elle lui
avait donné un coup de main pour sa braguette, fiancée
n'étant pas encore un membre de la famille et on n'a pas
enocre fait la leçon sur les braguettes, boutons et autres
pressions et fermoirs. En plus j'étais seule avec lui ce soir
là, Jean-Philippe brossait parce qu'il représentait la
famille à une réunion de sécurité des
maisons UN du quartier (réunions pendant lesquelles on nous
martèle qu'il faut avoir chez soi des vivres et de l'eau
potable pour une semaine, une corne de brume pour avertir le gardien
et les voisins que vous êtes en danger, que les lieux de
réunion en cas d'évacuation sont au Novotel, soit près
de l'aéroport ou à l'UNICEF, soit près du pont
entre le Laos et la Thailande et autres joyeusetés qu'on noie
en général dans une bonne rasade de bière pour
oublier).
A part ça, la ville a été
inondée. Le Mékong a débordé non pas à
cause des pluies ici mais en Chine. La vue des cocottiers avec de
l'eau jusqu'aux premières feuilles sur les berges du fleuve
était assez impressionnante. Mon boss avait emprunté le
bateau de son voisin pour aller de sa porte d'entrée à
la grille de son jardin, une autre connaissance à nous
attendait que le niveau de l'eau dans sa cour dépasse sa
petite culotte et qu'elle ne puisse plus sortir de chez elle
simplement en relevant ses jupes pour déménager à
l'hôtel. Les Laos n'avaient pas l'air très stressés,
ils pêchaient dans ce qui fut leur pelouse et faisainet
bombance puisqu'ils avaient égorgé toutes leurs poules
avant qu'elles ne se noient. Comme il fallait bien surveiller le
niveaude l'eau, on en profitait pour boire toute la nuit et c'était
un bon prétexte pour ne pas trop travailler. De toutes façons,
le fleuve allait redescendre et tout redeviendrait comme avant. C'est
effectivement le cas, sauf que la disette menace en saison sèche
puisqu'une quantité incroyable de rizières a été
submergée. Mais ça on verra plus tard.
Autre
nouvelle: une bombe a explosé au temple le plus populaire de
la ville: le WatSimuang vendredi dernier. C'était le jour
d'une cérémonie bouddhiste, une des plus importante, la
retraite des moines qui se cloîtrent début septembre
jusqu'à la fin de la saison des pluies. Une bombe dans un Wat,
ce n'est pas très logique et on ne sait pas grand chose, si ce
n'estque l'un des suspects a été apréhendé.
"Seulement" deux enfants blessés alors que des
centaines de personnes assistaient à la cérémonie:
la force du Wat Simuang a encore opéré et fait les
miracles qu'on attendait de lui.
Il n'y a pas de raisons de
paniquer, l'incident semble être assez unique, sans doute une
erreur, parce qu'on ne bombe pas des cérémonies
bouddhistes dans les temples.
Enfin, la petite chose
roseâtre et braillante que j'ai mise au monde en 1996 et que
son père appelait Petit Goret est entrée en CP,
traduisez première primaire. Elle en profite pour nous faire
une crise existentielle dans les grandes largeurs, cette pré-crise
de pré-adolescence décrite dans les bons livres de
pédo-psychologie. Rendez-vous compte, après une semaine
d'école, elle ne sait même pas lire et donc elle est
nulle et par conséquent on ne l'aime pas. CQFD. De toutes
façons, la grande école c'est difficile, d'ailleurs
Papa il a raté, il me l'a dit (pas celle-là de grande
école, pépétte ... de toutes façons s'il
a raté c'est parce qu'il faisait rien qu'à faire du
théâtre de toutes façons, on appelle ça
une passion et puis Maman elle a réussi, elle, alors c'est pas
si compliqué. Oui, peut-être, mais je suis nulle). Il
faut dire que bille en tête le premier jour il fallait
reconnaître le prénoms des 22 élèves de la
classe. Le petit Jack, qui se fait battre par ses parents quand il
rate, a eu 22 points, preuve que le gamin sait lire en fait et ça
fout les boules aux autres surtout à Sanam. En plus, dans les
22, il y a des Phetparisouhk, des Bounvatsannah, des Dannivanh et des
Thidalath et aussi des Vithida. On peut pas vraiment lui en vouloir à
la gosse de pas arriver à déchiffrer Phetparisouhk ...
Il devrait être interdit de CP, Phetparisouhk, il a qu'à
redoubler sa maternelle d'abord avec un prénom pareil, sans
blague.
Enfin, pour courronner le tout, elle était aller
chercher un cahier d'exercices avec son père en mobylette
(Samedi matin 8h: "faut qu'on s'entraîne hein Maman, parce
que tu m'as pas fait travailler pendant les vacances et maintenant je
suis nulle...") et elle n'a rien trouvé de mieux à
faire que d'aller se coincer le pieds dans les roues de la Honda
Dream. Total de l'opération, trois doigts de pieds en sang et
un ongle d'orteil en moins (ça piiiique et ça fait
maaaaal, j'en ai marre j'ai tout le temps des bobooooos, je suis
nulle même à motooooo).
Hum.
Pas la forme
quoi.
Allez je vous embrasse, je suis assez crevée en
fait, les séances de pansement prenant avec ma douilette de
fille des allures de combat de boxe poids plume contre poids lourd,
et le poids lourd c'est elle.
A bientôt, OK?
Maryam
& co
PS. J'ai paumé ma liste de distribution alors
j'ai repris toutes les adresses. si j'ai oublié quelqu'un vous
fw et vous m'en voulez pas hein. Je pense à vous.
[pics]
Cette
chronique est dédiée à tous les papas du début
du XXIème siècle Pour distinguer les papas du début
du XXIème siècle des papas de la fin du XXème
siècle, le plus simple est de les lâcher au
super-marché. Les papas du début du XXIème
siècle se dirigeront en premier et sans hésiter vers le
rayon des langes et des lingettes, rayon qu'ils trouveront d'ailleurs
du premier coup, sauf si le magasinier a changé les articles
de place (ce qui fera râler le papa du XXIème siècle,
comme n'importe quel autre papa).
Le
papa du XXIème siècle est donc un papa qui non
seulement sait changer un lange même avec du caca (ce que le
papa du XXème siècle savait déjà faire),
mais il sait aussi se repérer sans boussole dans un Delhaize
en évitant le rayon vin au profit du rayon
Pampers-Huggies-Produit Blanc, articles dont il a par ailleurs et à
d'autres occasions déjà longuement comparé les
prix.
Le
papa du XXIème siècle s'inquiète aussi de la
réserve de lait et de yaourts préférés et
achète avec discernement des coquillettes à accomoder
au jambon-beurre en lieu et place des pâtes à l'encre de
seiche à accompagner d'une sauce aux truffes et d'un
Pouilly.
J'
ai lu quelque part qu'on exigeait de l'homme libéré
des années 2000 de faire exactement ce que faisait la femme
aliénée des années 50. Ca devait être dans
un magazine féminin à la con parce que c'est une
stupidité.
Je
désire honorer tous les hommes libérés de l'an
2000, qui ne sont autres que les papas du XXIème siècle.
Leurs enfants sauront leur prouver que leur combat n'était pas
vain.
Cette
chronique n'est pas dédiée au racisme C'est avec
naïveté que je découvre encore à mon âge
que le racisme participe de la nature humaine. Je désirais me
rendre aujourd'hui au cours d'aérobic collectif sur les quais
du Mékong (un truc inspiré de la gymnastique
publique chinoise pratiquée dans les parcs dès
potron-minet mais en beaucoup plus dynamique et le soir) quand Chang
décida de faire la grève sur le tas. Ce ne serait pas
drôle si les sautes d'humeur de Chang ne s'exprimaient que dans
le secret de notre garage. Non content d'être légèrement
dépressif, Chang est aussi vicelard. Quand il décide de
se payer une crise d'autisme, c'est après la nuit tombée,
au milieu d'un des carrefour s les plus fréquentés de
la ville. J'ai attendu pendant une demie heure et demandé à
une bonne douzaine de personnes de bien vouloir m'aider à
pousser mon destrier jaune hors du chemin. Ils se sont tous bien
marrés et ont passé leur chemin, hilares. J'ai bien cru
que j'allais devoir laisser la bagnole là quand une voiture
d'Handicap International avec deux belges dedans s'est enfin arrêtée
pour m'aider...
Je
suis revenue à pieds, furibarde et en passant j'ai lancé
un "merci beaucoup" tonitruant aux propriétaires du
magasin de brols devant lequel j'étais en panne et qui à
défaut de lever le petit doigt pour m'aider ont haussé
les épaules quand je leur ai demandé assistance. La
boutiquière a soigneusement évité de me regarder
dans les yeux, j'espère qu'elle avait un peu honte.
Ce
n'est pas la première fois que ça nous arrive et on
n'est pas les seuls. J'avoue que j'ai cédé à un
élan de racisme primaire en rentrant et j'ai dû dire des
choses du style "c'est pas étonnant qu'ils soient
sous-développés à ce point là s'ils ne
sont pas fichus de faire preuve d'un peu plus de solidarité"
et "ils mériteraient qu'on prenne tous nos cliques et nos
claques et qu'on rentre chez nous en les laissant se démerder,
on verrait comment ils tiennent debout sans l'aide étrangère
qui fait 80% de leurs budgets"... Oui, je l'ai dit et d'ailleurs
je suis tellement hors de moi que je le pense encore. Et je vais vous
avouer le secret de mon coeur: ça fait un bien fou ...
Les
théories s'affrontent. Jean-Philippe prétend que c'est
une indifférence caractéristique de la vie urbaine. Je
dis moi que Vientiane, organisée en petits villages avec
chacun son chef et où les zébus cabriolent aux portes
des maisons ne peut pas vraiment être qualifiée
d'urbaine. Peut-être est-ce le résultat de la présence
d'expats friqués dans un pays où les salaires moyens ne
permettent même pas aux Laos de manger. Mais l'autre jour, au
milieu du carrefour Ton Kon Kham, c'est un couple de petits vieux
tout ce qu'il y a de Laos qui étaient en panne et madame, qui
ne savait pas conduire poussait vainement une voiture beaucoup trop
lourde pour elle tandis que monsieur tenait le volant. Donc ce n'est
pas de la jalousie ni du racisme. C'est le Bouddhisme et cette
histoire de Karma, dont le message est "Souffre dans cette
vie-ci ou je te réincarne en mouche à merde".
Encore plus subtil: "Si tu veux rendre service à ton
voisin, laisse-le souffrir sinon je le reincarne en mouche à
merde". C'est pour ça que tous les médecins
étrangers qui bossent ici s'étonnent du manque de
compassion envers les malades dans les hôpitaux.
De
manière évidente la dame du magasin de brols n'avait
pas envie que je me réincarne en mouche à merde. C'est
pour ça que les trois mecs qui trainaient là (genre son
mari et ses deux fils) sont allés se cacher dans
l'arrière-boutique quand je suis revenue pour la deuxième
fois leur demander de l'aide. Le type de l'atelier de meubles
juste à côté n'avait pas non plus du tout envie
que je me reincarne en mouche à merde. C'est pour ça
qu'il continuait obstinément d'enfoncer des clous dans un
fauteuil imitation empire d'inspiration thaïe. Les deux types
dans la 4x4 juste derrière moi n'avaient pas non plus envie
que je me réincarne en mouche à merde puisqu'ils ont
préféré faire une série de manoeuvres
compliquées pour me contourner plutôt que de sortir de
leur air conditionné pour pousser . De même les deux ou
trois conducteurs de tuk-tuk qui ont changé de vitesse en
rigolant n'avaient pas non plus envie que je ne réincarne en
mouche à merde. Ils en avaient si peu envie qu'ils ont même
renoncé à un gain financier non négligeable
puisqu'une fois la voiture poussée sur le bas-côté
ils auraient pu me ramener chez moi et empocher le prix d'une course
(avec pourboire). Quelle abnégation tout de même
!!!
Tiens
ça me fait du bien de vous écrire, je m'apperçois,
en analysant la chose, que tous ces braves gens ne voulaient que mon
bien et qu'ils ont dû être bien déçus de
voir deux falangs débarquer et sortir de leur voiture pour
m'aider: tous ces efforts, toute cette pitié, toute cette
compassion, toute cette abnégation pour rien ! Gachée
par deux longs-nezs qui ne savent pas ce que c'est que de se
réincarner en mouche à merde. Tout bien réfléchi
je vais écrire un petit mail d'injures à ces deux
crétins d'Handicap: de quoi je me mêle? !? Ah ! Ces
expats quand même ... si hautains, si indifférents à
ce qui les entoure: qu'est-ce que je leur avais fait pour qu'ils me
veuillent du mal au point de me sortir de la mouise aussi rapidement
et aussi gentiment, et risquer que je me réincarne en mouche à
merde? Pourquoi tant de haine ? Je ne comprends pas ...
Cette
chronique est dédiée aux Africains Ca tombait mal cette
histoire de bagnole parce qu'on rentrait tout juste de Phnom Penh où
j'ai croisé des Africains qui assistaient en même temps
que moi à la réunion annuelle de SIGN (Safe Injection
Global Network ou comment éviter de risquer de mourir en se
soignant ou en soignant les autres. Tout un problème). Je dois
avouer que j'ai recherché leur compagnie à toutes les
pauses-café et à tous les repas. C'était
rafraîchissant de les entendre blaguer et rire, de se faire
tutoyer d'emblée, de se faire taper sur l'épaule en se
faisant appeler l "la soeur" ou "la mère".
C'était relaxant de ne pas devoir se retenir, de ne pas devoir
baisser les yeux, se tenir bien droite, de ne pas s'empêcher
d'éclater de rire (ou alors avec le main devant la bouche), de
parler fort et beaucoup, avec les mains, voire tout le corps et dire
ce qu'on pense. C'était agréable de traîner après
le café pour parler de choses et d'autres, un choc de les
entendre parler d'eux-même et de la couleur de leur peau avec
dérision et humour, un bonheur d'oublier quelques instants
cette retenue et ce sourire poli si caractéristiques des
peuples d'Indochine et qui aujourd'hui en particulier, je vous le dis
tout net, me gonfle à mort.
Ca
me passera et je vous promets de revenir à de meilleures
disposition pour les Pays des Mille Elephants quand la voiture sera
réparée.
En
attendant, un souvenir ému, celui d'Emmanuel , ingénieur
logisticien Nigérian en poste pour l'OMS au Kenya, un gros
bonhomme en boubou vert porteur d'une thèse de doctorat, qui
raconte comment il a failli créer plusieurs accidents dans
Phnom Penh rien qu'en traversant la rue et qu'il ne trouve pas les
femmes asiatiques minces mais plutôt en état de
malnutrition chronique. Après une partie de franche rigolade
où je lui expliquais les moeurs en vigueur en Asie du Sud-Est
(ne pas toucher la tête des gens, ne pas montrer la plante des
pieds, donner l'argent à deux mains, ne pas crier ni
s'énerver, ne pas se faire des papouilles en public et qu'il
n'avait aucune chance d'être servi s'il s'adressait à la
serveuse en pointant l'index vers elle et en lui disant "Eh
Sissi , tu m'aportes une tasse de café là ou tu te
moques de moi?,) il a conclu philosophiquement: "Eh la Maman
(c'est moi), si un jour à l'OMS au Laos vous avez besoin d'un
logisticien, rappelle-toi qu'il y a au Kenya un certain Emmanuel
Taylor et qu'il n'est pas du tout intéressé par ce
poste".
C'est
noté. Cette chronique n'est pas dédiée aux
Khmers Rouges ni à l'économie de marché Parce
qu'ils ont les uns et l'autre créé à Phnom Penh
(et certainement dans le reste du Cambodge) une misère à
fleur de ville, une mendicité tenace, des éclopés
des membre et de la vie.
Ne
me demandez pas par quoi je voudrais remplacer l'économie de
marché ni ce qu'il adviendra du Cambodge quand Sihanouk ne
sera plus là. Je ne suis pas assez savante pour ça.
Mise
à part la mendicité (si tant est-il qu'il soit possible
de mettre la misère à part), Phnom Penh est une belle
ville, bien entretenue, bien reconstruite, où la trace de
l'histoire tragique du Cambodge s'efface au profit d'un nouveau faste
(Palais Royal illuminé le soir pour quelque invité
d'honneur) et de la vie qui reprend ses droits (comme ce militaire
démobilisé, maintenant chauffeur de moto-taxi souriant
et serviable).Evidemment, si on veut manger sur un des bateaux
illuminés accostés sur les rives du Tonlé Sap
(je ne l'ai pas fait mais une collègue un peu prout prout a
essayé), il faut supporter d'être entourée d'une
armée de jeunes femmes-sandwich habillées du costume
traditionnel khmer et portant sur l'écharpe qui ceint leur
sein (waoh!) un slogan publicitaire pour du vin, des cigarettes ou de
la bière. Elles s'arrachent les nattes pour être au
premier rang et vous empêchent littéralement de
respirer: elles ne sont sans doutes payées qu'à la
commission et font vivre 12 personnes du fruit de leur activité
nocturne de pancarte publicitaire. Un régal.
Cette
chronique est dédiée aux globe-trotters courageux qui
ont décidé de nous rendre visite dans notre maison les
pieds dans l'eau
J'ajoute
dorénavant à ma chronique le calendrier d'occupation de
la maison puisqu'il semblerait que vous ayez déjà des
difficultés à réserver vos billets pour des
périodes où il y aurait un matelas disponible
...
Liliane
15-30 Janvier Gilles et Suzon Quelque part entre le 31 Janvier et le
20 Février Sophia, Philippe et Emna 20 Février-9 Mars
Alex, Thierry, Sacha et Robin2-16 Mars (avec un séjour chez
les indigènes?) Eric, Hee Sun et Yumi ? Bulletin
et prévisions météorologiques:
La température commence à se rafraîchir Il fera
"caillant" (minimas de 13-15 degrés !) en
Novembre-Décembre Frais matin et soir et chaud en journée
en Janvier et Février Les chaleurs commencent en Mars (mais
rien de comparable à Avril En Avril il fait hon laiï laï
ainsi qu'en Mai, Juin Juillet-Aout-Septembre, il pleut comme vache
qui pisse et on rentre en Belgique Et c'est reparti pour un tour Vous
êtes les bienvenus, nous vous attendons avec impatience Je
vous embrasse Maryam